Il a fallu attendre jusqu’à près de 18h pour avoir le résultat final, accueilli par des hourras. «On l’a fait!», s’exclame Thomas Schmutz, membre de la direction de l’association Züri City Card. Son but: l’introduction d’une pièce d’identité distribuée à l’ensemble de la population de la commune – les 10 000 sans-papiers compris – afin d’assurer à ces derniers un accès sûr à tous types de services: soins, transports ou scolarisation d’un enfant; 51.69% des habitants de la ville ont approuvé l’idée, qui n’est toutefois pas encore au bout de ses peines.

«Une décision historique»

Sous un soleil de plomb, le bar Piccolo Giardino explose de joie. Le résultat vient de tomber. C’est oui. Un premier discours est prononcé, quelques larmes coulent. «C’est une décision absolument historique, s’enflamme Thomas Schmutz. C’est la première fois que la population d’une grande ville européenne approuve la distribution d’une carte d’identité à tous. Nous en sommes ravis. C’est un pas en avant qui sera certainement scruté, en Suisse romande comme à l’international.»

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Coprésidente de la plateforme nationale suisse pour les sans-papiers, Ada Marra abonde dans son sens: «C’est une excellente nouvelle, dit la conseillère nationale, même si une city card ne remplacera jamais de vraies régularisations. Toutefois, si cela peut aider ceux que j’appelle des «travailleurs sans droits», c’est une belle avancée. On voit qu’il y a un mouvement en ce sens.»

La socialiste rappelle que s’inspirant de Züri City Card, le parlement de La Chaux-de-Fonds a approuvé en 2021 ce même principe et que l’exécutif doit venir prochainement avec un projet concret. «Des cartes pour sans-papiers sont déjà distribuées dans d’autres grandes villes comme New York, ajoute-t-elle. C’est une alternative à l’hypocrisie de la non-régularisation.» D’après une étude sortie en 2015, neuf sans-papiers sur dix travaillent et sont financièrement indépendants. La moitié d'entre eux résident en Suisse depuis plus de cinq ans, 20% depuis plus d’une décennie.

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Une victoire d’étape

Si le résultat du jour représente une belle victoire, la mise en circulation du sésame devrait encore se faire attendre. Soutiens du projet, les autorités de la ville estiment en effet qu’il faudra encore patienter «en tout cas cinq ans». L’objet soumis à la population ce dimanche ne portait en effet que sur un budget de 3,2 millions destinés à «créer les bases juridiques nécessaires, examiner les questions relatives à la protection des données et lancer les travaux préparatoires techniques et organisationnels».

Comment distribuer la carte? Comment la rendre attractive pour tous afin qu’elle soit largement utilisée (et non pas seulement par les sans-papiers)? Quel comportement la police devra-t-elle adopter vis-à-vis du sésame? Beaucoup de questions demeurent en suspens, notamment juridique. Les adversaires de la city card affirment en effet que seule la Confédération détient la prérogative de distribuer des documents d’identité. Corine Mauch, la maire de Zurich, conteste, armée d’un avis de droit. Les jeux ne sont pas encore faits, sans compter qu’en cas de modification du Code municipal, le peuple pourrait devoir revoter. Au Piccolo Giardino, toutefois, on savoure déjà ce succès d’étape, flûte de champagne à la main.