voile intégral
La chercheuse Oriane Sarrasin a sondé les attitudes des Suisses face au voile islamique et au voile intégral. Ceux qui le rejettent sont avant tout des conservateurs de droite. Le courant laïciste de gauche à la française, anti-voile, reste très minoritaire en Suisse, selon elle
Les anti-niqab de gauche n’existent pas
Qu’est-ce qui détermine l’attitude des Suisses face au voile islamique, et plus particulièrement face au voile intégral ou niqab? Oriane Sarrasin, chercheuse en psychologie sociale à l’Université de Lausanne, est l’une des expertes à avoir exploré la question. Sa conclusion est sans appel: sur ce sujet, le positionnement politique général de l’individu joue un rôle fondamental. «Plus les gens sont de droite conservatrice, plus ils sont contre le port du voile, ou plutôt favorables à l’interdiction, explique-t-elle. A l’inverse, les gens qui penchent à gauche, qui sont plus soucieux de l’égalité des genres, qui soutiennent des mesures comme le financement de crèches, ces gens-là tolèrent davantage le voile.»
Cela ne veut pas dire que les milieux qui se jugent «progressistes» s’enthousiasment à la vue d’une femme en niqab. Mais «on peut être surpris, voire dérangé par la vue d’une femme portant le voile intégral, sans pour autant vouloir l’interdire», commente la chercheuse.
Est-ce à dire que le mouvement laïciste anti-voile, de gauche et républicain, très présent dans le débat politique français, n’existe pas en Suisse? «Honnêtement, cette attitude est moins saillante ici juge la chercheuse. Elle existe, oui, mais elle est très minoritaire. Une personne est intervenue lors d’une conférence à laquelle je participais, il y a deux ans, pour dire qu’elle était contre le niqab au nom de ses idéaux de gauche, mais cela reste rare.»
Autre constatation: bien que le voile intégral soit souvent dénoncé comme une «prison pour les femmes», les femmes n’y sont pas plus hostiles que les hommes.
Pour identifier les attitudes individuelles envers le voile, Oriane Sarrasin s’est servie de questionnaires, remis à des échantillons de centaines de personnes. Pas assez, cependant, pour oser un pronostic concernant le vote des Suisses sur l’initiative anti-burqa. Car au-delà des attitudes politiques bien établies, les arguments émotionnels pourraient aussi jouer un rôle, estime-t-elle, en influençant «les gens indécis, ou ceux qui n’ont pas d’avis sur la question».