La Suisse, bonnet d’âne de la biodiversité et des zones protégées
Nature
Un rapport de l’OCDE a révélé les points forts, mais aussi les points faibles de la Suisse en termes de gestion de l’environnement. Il épingle en particulier la gestion des zones protégées et de la biodiversité, où le pays est en retard sur les autres Etats membres

Il y a quelque chose qui cloche au pays de Heidi. Comme si un grain de sable s'était glissé dans les rouages de ses sublimes paysages alpins romantiques tout droit sortis d’une carte postale. Telle est du moins, en substance, l’une des conclusions du troisième examen environnemental de la Suisse par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), précieux exercice décennal destiné à aider les pays membres à améliorer leur gestion de l’environnement. Stratégies, actions et résultats ont été passés au crible afin de dresser un bilan et de proposer des recommandations aux Etats audités.
Effondrement de la diversité
Le pays a beau s’en sortir avec les honneurs sur plusieurs points (notamment pour son mix énergétique sobre en carbone), il a néanmoins été épinglé pour sa gestion de la biodiversité. Confirmant les résultats des études scientifiques de ces dernières années, l’OCDE a déploré l’effondrement de la diversité du vivant en Suisse, où plus d’une espèce sur trois est menacée.
Parmi les plus exposées figurent les reptiles et amphibiens, ainsi que certains mammifères tels que les chauves-souris, dont 60% sont menacées. Sombre tableau, qui nous place derrière bon nombre de pays de l’OCDE. «Nous prions la Suisse de faire des efforts dans ce domaine», a demandé Masamichi Kono, secrétaire général adjoint de l’OCDE lors de la présentation du rapport lundi à Berne.
Le responsable a précisé «ne pas avoir pleinement évalué le plan d’action biodiversité, approuvé en septembre par le Conseil fédéral», tout en plaidant pour «une mise en œuvre rapide de ce dernier, longtemps attendu». Le plan était en effet arrivé avec trois ans de retard, trois ans pendant lesquels la vie sauvage n’a pas attendu pour décroître. Ces piètres résultats, qui font pourtant régulièrement l’objet d’articles et d’émissions dans les médias, contrastent avec la perception de la situation par la population suisse, qui estime à 74% que la biodiversité reste dans un état satisfaisant, voire très bon. «Il existe un grand écart entre l’état de la nature et sa perception», a confirmé Masamichi Kono.
Les aires protégées, talon d’Achille suisse
Comment expliquer cette situation qui tourne au désastre? Il faut regarder du côté du recul des zones sauvages, deuxième secteur où la Suisse fait figure de mauvais élève. Depuis un siècle, le nombre de zones humides, pâturages et prairies s’est effondré, ce qui explique en bonne partie la pression exercée sur les espèces mentionnées.
Nous prions la Suisse de faire des efforts pour protéger sa biodiversité
Avec 6,2% d’aires terrestres protégées sur son territoire, la Suisse, bonnet d’âne de l’OCDE, demeure loin de satisfaire les 17% des objectifs d’Aichi, qu’elle s’est pourtant engagée à respecter dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique en octobre 2010.
🌿La #Suisse 🇨🇭, où le mix énergétique émet peu de carbone et où les émissions sont en baisse, devrait faire davantage face aux menaces qui pèsent sur la #biodiversité. Nouveau rapport de l'#OCDE à lire ➡️ https://t.co/JqurA0WFxW pic.twitter.com/qw6n2H5P6W
— OCDE (@OCDE_fr) November 27, 2017
«La population a augmenté de 1,2 million d’habitants depuis 2000, a justifié le directeur de l’Office fédéral de l’environnement, Marc Chardonnens. La pression démographique s’est accrue sur les habitats sauvages, et a eu pour conséquence de les fragmenter.» C’est vrai, mais c’est sans doute aussi amoindrir l’impact du retard du plan d’action biodiversité, alors que les études scientifiques convergent toutes vers un effondrement accéléré de la biodiversité.
Leviers de progression
Dernier exemple en date, une étude allemande a ainsi montré une baisse de 75% des populations d’insectes en seulement 25 ans. Si la Suisse désire mieux faire en la matière, elle devra agrandir et interconnecter ces zones protégées, y compris avec celles des pays voisins, dans les années qui viennent. Il y a donc des progrès à faire, mais heureusement, des leviers de progression existent, rappelle Marc Chardonnens.
«10% des surfaces forestières seront transformées en réserves d’ici à 2030», cite le directeur en guise d’exemple. De même, un vaste plan de revitalisation des 4000 km de cours d’eau en mauvais état devrait participer à ce regain des zones protégées. Du moins s’il reste encore des espèces à protéger: cet objectif est prévu pour… 2090!