La Suisse doit viser la neutralité carbone d’ici à 2050. Tel est le nouvel objectif fixé par le Conseil fédéral, qui prend en compte les recommandations les plus récentes du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Il ne s’agit plus de viser une diminution des émissions de gaz à effet de serre de 70 à 85% en 2050, comme convenu lors de l’Accord de Paris, mais de 100%. A partir de cette date, la Suisse ne devra pas rejeter dans l’atmosphère plus de gaz à effet de serre que ce que les réservoirs naturels et artificiels, les puits de carbone, sont capables d’absorber. Cet objectif de zéro émission nette est «un objectif indicatif», relève la ministre de l’Environnement, Simonetta Sommaruga. «Mais il montre clairement la direction que nous voulons prendre et cela créera des incitations pour investir dans des solutions favorables à la protection du climat. La Suisse peut se permettre d’être ambitieuse. Elle est très concernée comme le confirment la fonte des glaciers, les inondations et les éboulements», commente-t-elle encore.

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Décidée mercredi par le Conseil fédéral, la neutralité climatique à atteindre dans trente ans va dans le sens de l’initiative populaire pour la protection des glaciers. Membre du comité d’initiative, la conseillère nationale Isabelle Chevalley (PVL/VD) salue cette décision. «On vit un moment analogue à ce qui s’est passé en 2011 avec Fukushima, lorsque le Conseil fédéral a pris conscience de la nécessité de sortir du nucléaire. L’objectif de neutralité climatique en 2050 va dans le bon sens. Maintenant, il faut travailler. Le Conseil fédéral doit nous dire comment il compte atteindre ce but», réagit-elle. De leur côté, les Verts jugent le calendrier trop lent.

Ciment et gaz agricoles

Un plan d’action existe. C’est la révision de la loi sur le CO2. Rejetée en décembre par le Conseil national, elle est en cours de repêchage au Conseil des Etats. La commission sénatoriale préparatoire a déjà intégré une autre valeur cible corrigée récemment par le GIEC: la nouvelle loi doit contribuer à limiter à 1,5 degré la hausse de la température mondiale, et non pas à 2 degrés comme prévu initialement. Mais le projet s’arrête en 2030, date à laquelle la réduction des émissions nocives doit être de 50% par rapport à 1990. Une panoplie d’instruments est proposée pour y parvenir: relèvement de la taxe CO2 sur les combustibles, réduction des valeurs limites d’émission de CO2 pour les bâtiments chauffés au mazout, taxe de 10 à 12 centimes par litre de carburant pour compenser les émanations dépassant les nouvelles normes d’importation imposées aux voitures, taxe sur les billets d’avion de 30 à 120 francs. «Certaines de ces mesures vont plus loin que ce qu’avait proposé le Conseil fédéral, mais il les soutient», précise Simonetta Sommaruga.

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Et après 2030? Le gouvernement définira sa Stratégie climatique 2050 d’ici à la fin de l’an prochain. Le remplacement des énergies fossiles par les ressources renouvelables et l’évolution technologique devraient permettre de réduire jusqu’à 95% la pollution générée par l’industrie, les bâtiments et le trafic d’ici à 2050. Mais les gaz à effet de serre dégagés par la production de ciment ainsi que par l’agriculture, en particulier le méthane et le protoxyde d’azote relâché par les sols et les fertilisants, peuvent difficilement être évités. Un potentiel de réduction existe cependant. Ces questions ne manqueront pas d’être débattues dans le cadre de la révision de la loi sur le CO2, de l’«Initiative pour les glaciers» – qui veut interdire tout usage de carburant, gaz ou mazout après 2050 – et des manifestations climatiques à venir.