Votations
Des élus de gauche et de droite ont présenté un texte pour «interdire l'exhibition ou le port de symboles, d'emblèmes ou de tout autre objet nazis dans le domaine public»

En Suisse, l'exhibition et la vente d'objets nazis ne sont pas interdites. Contrairement à d'autres pays européens, un drapeau nazi peut être exhibé à une bourse aux armes et des insignes du IIIe Reich vendus en ligne. Les choses pourraient changer, du moins dans le canton de Genève.
Des élus, de gauche comme de droite, espèrent que le Parlement genevois adoptera un texte présenté ce mois-ci pour «interdire l'exhibition ou le port de symboles, d'emblèmes ou de tout autre objet nazis dans le domaine public.» Si ce dernier est adopté ce vendredi 27 janvier, Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l'Holocauste, il devra ensuite être validé par le Parlement fédéral et un vote populaire.
Une vingtaine d'années
«Il n'y a pas de mesures qui soient trop tardives pour empêcher les idées nazies de s'exprimer à travers ces objets», déclare le député libéral Alexis Barbey, cosignataire du texte. Leur commerce est «le support d'une idéologie racialiste et dangereuse pour la démocratie», renchéri le député cosignataire des Vert-e-s François Lefort. Ildénonce le «romantisme morbide actuel» entourant le nazisme.
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«La portée symbolique est très grande puisque ça fait plus d'une vingtaine d'années que différents politiciens de différents partis ont essayé d'interdire ces symboles et ces objets nazis», rappelle le député de la droite radicale UDC Thomas Bläsi, à l'origine du texte. «Le nazisme n'a pas sa place en Europe, n'a pas sa place en Suisse», poursuit celui qui est l'un des petits-enfants du colonel français Gaston de Bonneval, ancien aide de camp du général de Gaulle.
Arrêté par la Gestapo en 1943, il avait été déporté pendant près de deux ans à Mauthausen. Quelque 200 000 prisonniers – dont près de la moitié sont morts, victimes de la faim, de maladies, gazés ou exécutés – sont passés dans ce camp de concentration, libéré en mai 1945.
«La prévention ne suffit plus»
De plus en plus de voix s'élèvent en Suisse pour que le pays se range aux côtés de ses voisins européens qui, comme l'Allemagne, la Belgique et plusieurs pays de l'Est, tels que la Pologne, interdisent les symboles nazis. En France, la loi interdit l'exhibition d'objets nazis mais pas sa vente, même si elle est rarement tolérée. En Suisse, «le port, l'exhibition de symboles nazis n'est pas interdit dans l'espace public tant qu'il n'est pas assorti d'un message ou propos de promotion d'idéologie raciste ou antisémite», précise Johanne Gurfinkiel, secrétaire général de la Cicad, représentant les communautés et organisations juives dans la partie francophone du pays alpin.
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Cette «particularité» helvétique a permis de faciliter les rassemblements de groupes néo-nazis européens ou de donner lieu à un commerce très ouvert sur internet, notamment d'uniformes ou d'objets du IIIe Reich, observe-t-il. Ces dernières années, en particulier lors de la période de pandémie et des mesures sanitaires, la Cicad a constaté en Suisse une augmentation substantielle de l'utilisation de symboles liés au nazisme ou à la Shoah, notamment lors des manifestations.
Face à la banalisation de ces symboles, une députée a déposé fin 2021 une motion pour que Berne légifère. En réponse, le gouvernement fédéral a assuré que la meilleure arme restait «la prévention» et qu'«il faut accepter que des idées dérangeantes puissent être exprimées même si la majorité les trouve choquantes.» Sous pression, il a finalement chargé l'Office fédéral de la Justice d'examiner la nécessité et les possibilités d'agir, qui a conclu en décembre qu'une interdiction expresse de l'utilisation de symboles nazis «est en principe possible, mais que la création d'une nouvelle norme se heurterait à d'importants obstacles juridiques.»
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Depuis, le 12 janvier, la commission des Affaires juridiques de la chambre basse du Parlement fédéral a apporté son soutien à une interdiction. Pour la Fédération suisse des communautés israélites, il est temps d'agir: «Quand la prévention ne suffit plus, le droit pénal doit intervenir».