Publicité

La Suisse intensifie son offensive diplomatique vers l’Italie

Berne veut sortir de l’ornière les liens avec Rome . Fiscalité, frontaliers, bilatérales sont en ligne de mire

Matteo Renzi accueille Didier Burkhalter à Rome. — © Keystone
Matteo Renzi accueille Didier Burkhalter à Rome. — © Keystone

La Suisse intensifie son offensive diplomatique vers l’Italie

Perspectives Berne veut sortir de l’ornière les liens avec Rome

Fiscalité, frontaliers, bilatérales au menu

Malgré la venue du président français François Hollande, vraisemblablement en avril, c’est en direction de l’Italie, en cette année du 500e anniversaire de la défaite de Marignan, que la Suisse va intensifier ses efforts diplomatiques, l’an prochain. Il y a en effet urgence, dit-on dans l’entourage du Conseil fédéral, à sortir de l’ornière, où elles s’enlisent depuis des années, les relations entre Berne et Rome.

Questions fiscales et financières, imposition des frontaliers, asile et incertitude sur l’avenir des accords bilatéraux avec l’UE, trois conseillers fédéraux au moins sont directement intéressés à renouer des liens directs avec le gouvernement de Matteo Renzi. Pour réchauffer le co-voisinage, le Conseil fédéral compte beaucoup cette année sur le pavillon suisse à l’Exposition universelle de Milan, qui servira de base à une opération d’image, celle d’une Suisse responsable, mais aussi de support à des visites et rencontres de conseillers fédéraux. Des rencontres parlementaires de haut niveau sont aussi en préparation.

Les relations avec l’Italie ressemblent un peu aux tapisseries de Pénélope: il faut retisser chaque année ce qui a été défait en une nuit. Après les années difficiles et instables sous l’ère Berlusconi, le passage éclair du président du Conseil Enrico Letta, la Suisse espérait retrouver quelques liens directs grâce à la visite du président de la République, Giorgio Napolitano, et aux contacts avec la ministre des Affaires étrangères, Federica Mogherini. Mais le président vient d’annoncer son prochain retrait et la ministre est devenue la haute représentante pour la politique étrangère de l’UE.

En matière fiscale et financière, le temps presse pour une solution. Depuis le 1er janvier, une nouvelle loi est entrée en vigueur qui permet aux possesseurs d’un compte non déclaré en Suisse d’annoncer leur patrimoine au fisc italien sans risquer de poursuites pénales. Ils doivent notamment autoriser leur banque à livrer des données aux autorités italiennes. C’est la dernière chance pour les fraudeurs italiens du fisc, avant l’échange automatique des données qui devrait s’imposer dès 2018.

Mais la loi italienne restera extrêmement sévère pour les possesseurs de comptes dans des paradis fiscaux, au nombre desquels figure la Suisse. Pour leur éviter de lourdes pénalités ou une fuite des capitaux vers des destinations plus exotiques, Berne doit impérativement conclure avec Rome un accord de double imposition d’ici à fin février. Un accord sur l’information à la demande, en attendant l’échange automatique. Rome a longtemps refusé un tel accord, exigeant de passer directement à la levée du secret bancaire pour ses contribuables.

Berne voit un double intérêt à cet accord. D’une part, éviter que les capitaux italiens quittent massivement la place financière tessinoise. On parle en effet de quelque 80 à 120 milliards de francs d’origine italienne sous gestion suisse. D’autre part, permettre enfin à la Suisse d’être rayée des listes noires italiennes qui handicapent lourdement les échanges commerciaux.

Parallèlement, le Secrétariat aux questions financières internationales (SFI) tente d’obtenir la signature d’une feuille de route qui englobe le règlement progressif de tous les contentieux actuels: imposition jugée inéquitable des frontaliers italiens, régularisation des clients de banques suisses, enclave de Campione d’Italia.

La ministre de la Justice, Simonetta Sommaruga, espère, elle, ­obtenir de l’Italie une meilleure application des accords de Schengen-Dublin qui l’obligent à enregistrer tous les demandeurs d’asile débarquant sur son sol. Or, l’Italie, qui supporte le plus gros du poids de l’immigration clandestine en Europe, pratique une politique laxiste en espérant un départ rapide des demandeurs d’asile vers le nord. Simonetta Sommaruga, qui subit une forte pression de la droite nationaliste mais aussi du PLR, est bien consciente des problèmes posés à l’Italie. Raison pour laquelle, en échange, elle tente de persuader les ministres européens d’adopter une clé de répartition des requérants plus équitable.

Enfin, Didier Burkhalter, qui mise beaucoup sur le président du Conseil Matteo Renzi, espère convaincre l’Italie à montrer plus de compréhension sur la volonté du peuple suisse de maîtriser l’immigration et la compatibilité avec les accords bilatéraux entre la Suisse et l’UE. La Suisse a des atouts: en 2017, l’économie italienne profitera à plein des 57 km du tunnel de base du Gothard pour exporter ses marchandises vers le nord de l’Europe. Et l’Italie, dont la moitié des importations de courant électrique transite par la Suisse, a un intérêt évident à un accord sur l’électricité entre Berne et Bruxelles.

Didier Burkhalter espère ainsi que, contrairement au passé où elle a bloqué les négociations plusieurs fois, l’Italie ne se dressera pas en procureure inflexible contre la recherche d’une solution globale, notamment institutionnelle, entre la Suisse et l’UE.

Affranchir les échanges commerciaux du handicap des listes noires