Santé
Leader suisse de la télémédecine, Medgate gère aussi la hotline de la Confédération consacrée au coronavirus, qui répond à plus de 2000 appels par jour

C’est une ruche qui bourdonne constamment, 24h/24 et 7j/7. Dans le centre-ville de Bâle, la hotline de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) tourne à plein régime. Chaque jour, 45 personnes s’y relaient pour répondre aux quelque 2000 appels qui y parviennent. Cette ligne d’urgence, qui répond aux inquiétudes de la population, révèle l’importance de la télémédecine en cas de situation exceptionnelle.
C’est Medgate qui, en 2015, a remporté l’appel d’offres lancé par l’OFSP. En cas d’épidémie, le leader suisse de la télémédecine ouvre une «hotline», en fait trois lignes destinées respectivement à la population, aux voyageurs et aux professionnels de la santé. Coût de ce service d’urgence: 1,5 million de francs, un plafond budgétaire à ce jour pas encore atteint.
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«Les gens ne paniquent pas»
Ouverte à la mi-février, puis renforcée pour fonctionner jour et nuit lorsque le Conseil fédéral a communiqué ses premières mesures, cette ligne est l’un des outils de l’OFSP dans sa lutte contre le coronavirus. Même si la population a désormais assimilé les mesures d’hygiène, elle se pose tout de même encore des dizaines de questions. Celles-ci ont évolué depuis que le Conseil fédéral a déclaré l’état de «situation extraordinaire» le 16 mars dernier. Avant, les gens se demandaient encore si le risque de s’infecter en Suisse était élevé. Aujourd’hui, ils ont compris la gravité de la situation. Dès qu’ils présentent certains symptômes, ils voudraient savoir quand et où ils peuvent faire le test. «Les gens sont désécurisés car ils ne savent pas ce qui va arriver, mais ils ne paniquent pas», souligne Cédric Berset, directeur du marketing et de la communication de Medgate.
Si la télémédecine est désormais entrée dans l’âge adulte, elle n’a jamais été aussi précieuse qu’en cette crise du coronavirus. «Elle est cruciale», note Zeynep Ersan Berdoz, cheffe de la communication du groupe Aevis Victoria, qui détient 40% des actions de la holding de Medgate. «Elle évite de surcharger les hôpitaux et les médecins pour leur permettre de se concentrer sur les cas les plus graves.»
Medgate est née avec le siècle à l’initiative de trois amis de jeunesse: le chirurgien Andy Fischer, l’économiste Lorenz Fitzi et l’informaticien André Moeri. But avoué: «Réduire les coûts de la santé.» Peu à peu, elle a développé sa collaboration avec les caisses maladie qui ont commencé à offrir des modèles alternatifs offrant un rabais d’au maximum 20% sur leurs primes. Aujourd’hui, elle collabore avec une vingtaine d’assurances. Elle emploie quelque 300 collaborateurs à Bâle, mais ne dévoile pas son chiffre d’affaires.
Une crise et aussi une chance
L’épine dorsale de l’entreprise est son centre télémédical de 110 médecins, dont une vingtaine en Suisse romande. La grande majorité d’entre eux travaillent depuis leur propre cabinet. Deux médecins résidant en Australie assurent une permanence de nuit. Avant de pouvoir les contacter, le patient télécharge une application qui opère un triage, un système totalement basé sur l’intelligence artificielle. Dès qu’une consultation physique s’avère nécessaire, Medgate s’appuie sur un réseau d’environ 3000 généralistes et spécialistes, de même que sur 80 hôpitaux publics et cliniques privées. «Qu’il soit en Suisse, à Singapour ou à New York, l’assuré d’aujourd’hui veut pouvoir être en permanence en contact avec un médecin, selon la devise «Ici et maintenant», relève Cédric Berset.
En Suisse romande, Romain Boichat, Carole Matzinger et Daniel Fishman ont créé à la fin de l’année dernière la plateforme Soignez-moi.ch, qui collabore avec une douzaine de médecins. La crise du coronavirus leur a donné l’occasion de collaborer avec le Centre hospitalier de Bienne et l’Hôpital de La Tour à Genève, dont le principal souci est d’éviter évidemment un engorgement de ses services des urgences. Par le biais de cette plateforme, les personnes craignant d’avoir contracté le nouveau coronavirus accèdent à une e-consultation pour des cas bénins. Si elles ne peuvent être prises en charge à distance, elles se voient proposer de se rendre à un cabinet de médecins de famille (Localmed à Bienne par exemple), chez leur médecin traitant ou aux urgences de ces établissements. «Cette crise accélère de manière spectaculaire le développement de la télémédecine. Même si on ne peut pas s’en réjouir, c’est aussi une chance», conclut Romain Boichat.