En vingt ans, les soutiens à la Suisse se sont compliqués. Sur quels pays s’appuyer en 2012 pour poursuivre la voie bilatérale? Tour d’horizon.
La Norvège est, de loin, le pays qui a le plus intérêt à voir la Suisse rejoindre un jour l’EEE. Le pays nordique, géant pétrolier, risque de s’y retrouver bien seul aux côtés du Liechtenstein si l’Islande intègre l’Union à l’issue des négociations d’adhésion, entamées en juillet 2010. Oslo et Berne coopèrent déjà au sein de l’Association européenne de libre-échange (AELE), dont le siège est à Genève. Et les deux pays viennent d’intégrer ensemble, début novembre, le processus ASEM (Asia-Europe Meeting)…
Le Luxembourg est un allié de la Suisse sur les questions fiscales et financières et a plutôt intérêt, lui, à voir la Confédération rester une exception. Motif? Le Grand-Duché, arc-bouté sur son secret bancaire, peut ainsi lier son sort aux concessions de Berne, dont la capacité de résistance aux injonctions de Bruxelles est a priori plus grande en dehors de l’EEE. La manœuvre est cynique, mais elle a payé dans le passé et elle profite aussi à l’Autriche , qui comme le Luxembourg ne veut pas de l’échange automatique d’informations fiscales. Une alliance tactique. Donc fragile.
L’Allemagne calcule. Son intérêt, quelle que soit la forme de partenariat avec l’UE adoptée par la Confédération – où vivent et travaillent 280 000 Allemands –, est de continuer à profiter de la prospérité helvétique. La RFA est par ailleurs le pays de l’UE le plus directement intéressé par un accord Suisse-UE sur l’électricité, qui pourrait permettre de connecter au réseau germanique les ressources hydroélectriques alpines, afin de contrebalancer l’abandon du nucléaire. Bien que bloqué par le Bundesrat, l’accord Rubik, qui prévoit un prélèvement libératoire fiscal, est aussi défendu par Berlin.
La France où Eveline Widmer-Schlumpf se rend le 7 décembre est, en 2012, le partenaire le plus compliqué. Rien à voir avec l’amical soutien de François Mitterrand dans les années 1990, et la compréhension dont fit alors preuve Jacques Delors, président de la Commission. La délocalisation de sièges sociaux d’entreprises françaises en Suisse irrite, et le dossier fiscal, sous l’actuelle majorité socialiste, est explosif. Pour Paris, l’heure est venue pour Berne de faire des concessions. Une intégration helvétique dans l’EEE y serait à coup sûr jugée «rationnelle».
L’Italie de Berlusconi avait fait de la surenchère anti-Suisse un fonds de commerce. Le quasi-frontalier Mario Monti – natif de Varese, près du Tessin – a, lui, appris à négocier avec la Confédération comme commissaire européen et croit en la «fermeté cordiale». N’empêche: pour ce défenseur de la méthode communautaire, un arrimage de la Suisse aux institutions de l’EEE serait logique. L’exception helvétique n’est pas sa tasse de thé.
Le Royaume-Uni eurosceptique scrute ce qui se passe entre Berne et Bruxelles. Avec une préférence pour une Suisse qui reste à part et un EEE peu attrayant. Londres peut ainsi tenir la place financière helvétique à distance et utiliser toute concession bruxelloise à la Suisse à l’appui de ses propres dérogations. Car que veulent les Anglais, sinon une voie bilatérale au sein de l’UE?