Comme elle l’avait promis, Simonetta Sommaruga a placé la protection des migrants au cœur de la troisième rencontre du Groupe de contact pour la Méditerranée centrale (GCMC), qui a eu lieu lundi matin à Berne dans un Hôtel Bellevue barricadé et placé sous haute surveillance.

La réunion, à laquelle ont participé les représentants de huit Etats européens, de la Commission européenne, de six pays africains et des grandes organisations internationales, a débouché sur une déclaration d’intention commune qui fixe une série de mesures pour protéger les réfugiés et lutter contre les passeurs.

Quelles mesures appliquer?

En quoi consistent concrètement les mesures de protection des réfugiés envisagées par les partenaires du GCMC? Pour Simonetta Sommaruga, cela englobe l’accès aux centres de détention en Libye, l’accompagnement des expatriés disposés à rentrer volontairement dans leur pays après s’être fait refuser l’asile ailleurs et, surtout, la recherche de lieux d’accueil autour du bassin méditerranéen pour les personnes particulièrement vulnérables, notamment les femmes et les enfants. «Nous avons demandé à 15 pays de trouver 40 000 places de réinstallation pour ces migrants. A ce jour, seules 10 500 places nous ont été promises», détaille le haut-commissaire pour les réfugiés de l’ONU, Filippo Grandi.

Expérience de renvoi au Niger

Simonetta Sommaruga a confirmé lundi la volonté de la Suisse de participer à un projet de réinstallation en collaboration avec d’autres pays européens. Cet engagement s’inscrit dans le cadre de la politique d’accueil à l’époque des boat people vietnamiens, une pratique qui avait été interrompue dans les années 90 avant d’être relancée par la crise syrienne en 2013. A cette occasion, «la Suisse a offert sa protection à 15 000 personnes fuyant la Syrie», a rappelé la ministre de Justice et police dans une interview accordée au Temps.

Retrouvez l’interview de Simonetta Sommaruga: «Notre responsabilité est désormais de nous engager en Libye»

Filippo Grandi souligne également qu’une première vague de 25 migrants a pu être envoyée au Niger dans le cadre de ce plan de réinstallation. C’est la France qui examine leur situation. «Nous visons 400 personnes d’ici à la fin de 2017 pour autant que les circonstances le permettent», souligne l’Italien. Le Niger était non seulement représenté à la conférence de Berne, mais ce pays s’apprête aussi à accueillir la quatrième rencontre du GCMC au début de l’année prochaine.

Une violence généralisée

S’agissant de la situation en Libye, elle reste qualifiée de «pas facile du tout», par le commissaire européen aux Migrations, le Grec Dimitris Avramopoulos. Le GCMC invite les Etats partenaires à apporter leur soutien aux gardes-côtes et aux collectivités locales confrontées à un afflux de fugitifs africains. Le ministre libyen de l’Intérieur a promis lundi que ce qui avait été décidé serait réalité.

Toutefois, relativise Filippo Grandi, les institutions de ce pays sont très «fragmentées». Sceptiques, les ONG vont plus loin: «La violence et les mauvais traitements sont généralisés en Libye», constate Caroline Abu Sada, directrice de SOS Méditerranée Suisse. «On se félicite de constater que les gardes-côtes libyens ont pu sauver 14 000 personnes de la noyade cette année. Mais elles ont été ramenées dans le pays, où elles sont maltraitées», accuse pour sa part Sophie Guignard, de Solidarité sans frontières.

«Un vernis humanitaire»

«Le discours officiel est très éloigné de la réalité du terrain», reprend Caroline Abu Sada en insistant sur la nécessité d’augmenter les capacités de recherche et de sauvetage en Méditerranée. Certes, le nombre de morts durant la traversée a diminué cette année: 2800 contre 5000 en 2016 et 3700 en 2015, selon les chiffres de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

«Il y a moins de morts parce qu’il y a moins de traversées en raison du nombre élevé de personnes décédées en mer les années précédentes», corrige Caroline Abu Sada. Les ONG attendent surtout des Etats européens qu’ils accueillent davantage de réfugiés de la misère. «La volonté de protéger les migrants est un vernis humanitaire qui cache en réalité une politique sécuritaire et le renforcement du contrôle des frontières sud», critique Charles Heller, chercheur à la Goldsmiths University de Londres.

Pour des mesures concrètes, les ONG devront patienter. «Le GCMC n’a pas la compétence de prendre des décisions. C’est un groupe de dialogue, qui est important aux yeux de la Suisse», insiste Simonetta Sommaruga. Il appartient aux Etats de définir le nombre de migrants auxquels ils sont prêts à accorder leur protection sur leur territoire. La conseillère fédérale doit cependant marcher sur des œufs, tant le sujet est sensible et tant elle se sait surveillée sur cette question.