C’est un dossier qui a suscité de nombreuses réactions devant le Grand Conseil valaisan à la mi-octobre. Les députés devaient se prononcer sur l’octroi d’une subvention complémentaire à la commune de Collombey-Muraz pour la rénovation et l’augmentation de la capacité de sa station d’épuration. Si l’objet a été accepté à une large majorité, un détail a dérangé plusieurs élus, de tous bords politiques. Ces derniers se sont étonnés que, malgré les rénovations dont elle fera l’objet, l’installation ne soit pas équipée, à l’avenir, pour traiter les micropolluants.

La variante retenue concernant ces substances est celle d’une conduite de rejet au Rhône permettant leur dilution dans le fleuve. Impensable pour les Verts, dont les huit représentants sont les seuls élus à s’être opposés à la subvention complémentaire, estimant ne pouvoir «cautionner ce projet, même s’il répond aux exigences légales du canton et de la Confédération». «L’aspect économique l’a emporté sur l’aspect environnemental et l’installation d’un filtre à micropolluants», a martelé la députée écologiste Nathalie Cretton. Son homologue libéral-radical Fabien Girard, qui s’est lui abstenu lors du vote, n’a pas trouvé de «bon sens écologique» dans le projet, jugeant «regrettable» que le traitement des micropolluants ne soit pas intégré à la STEP de Collombey-Muraz.

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Projets d’avenir

Cette station d’épuration n’est pas une exception. Aujourd’hui, en Suisse, environ 10% des eaux usées seulement passent par une étape de traitement des micropolluants, selon l’Office fédéral de l’environnement (OFEV). Mais cette réalité est amenée à évoluer. «Actuellement, une dizaine de STEP, sur les quelque 800 que compte la Suisse, traitent les micropolluants et près de 40 supplémentaires sont en projet ou en construction», indique Hélène Bleny de la division Eaux de l’OFEV. Et d’ici à 2040, ce sont 130 stations d’épuration qui devront être équipées pour traiter ces composants.

Les Chambres fédérales ont en effet décidé, en mars 2014, de doter une partie des STEP suisses d’un procédé à même d’éliminer ces éléments. «Afin d’investir au mieux les moyens à disposition, seules les plus grandes STEP, de même que certaines de taille moyenne, définies selon des critères précis, seront équipées selon cette décision», détaille Hélène Bleny, qui précise que «ces stations ne traitent pas moins de 70% des eaux usées produites dans notre pays».

Plusieurs possibilités s’offrent à ces STEP pour atteindre l’objectif. Elles peuvent mettre en place des installations servant à l’élimination de micropolluants, mais aussi construire des canalisations permettant un raccordement à une autre station d’épuration ou un déversement dans un cours d’eau plus important. Hélène Bleny précise toutefois que «de tels raccordements ne sont réalisés que dans une très faible part des projets (4 projets pour environ 50 dossiers actuellement)».

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Le coût comme obstacle à une généralisation

Mais pourquoi, à l’heure où les questions environnementales prennent toujours plus d’ampleur, ne pas rendre l’élimination des micropolluants obligatoire pour l’ensemble des STEP du pays? «Une installation pour le traitement des micropolluants est coûteuse à la construction et à l’exploitation. Cette dernière est également complexe et les besoins en ressources d’une telle installation (énergie, charbon actif) ont un coût environnemental», indique Hélène Bleny. Qui poursuit: «En particulier pour les petites STEP, les coûts d’une telle installation seraient démesurés par rapport au faible gain. C’est pourquoi les critères fixés par l’Ordonnance fédérale sur la protection des eaux ciblent les installations les plus opportunes pour ce traitement. Les dispositions fédérales permettent également, dans certains cas, de canaliser les eaux pour les envoyer soit dans une STEP plus grande soit dans un cours d’eau plus grand afin de délester un cours d’eau particulièrement sensible.»

«Pas de risque direct pour la santé»

Il n’en demeure pas moins que ces rivières ou ces fleuves peuvent participer à l’alimentation en eau potable, à l’image du Rhône qui se jette dans le Léman, lui-même source d’eau potable pour près d’un million de personnes. Mais Hélène Bleny se veut rassurante. «Selon les connaissances actuelles, les concentrations mesurées dans les eaux souterraines et superficielles ne présentent pas de risque direct pour la santé humaine», indique-t-elle.

Elle attire toutefois l’attention sur le fait que la pollution des eaux de surface par les eaux usées s’aggrave au fil des années, ce qui implique une quantité grandissante de micropolluants dans les réserves d’eau potable. «Par précaution, nous devons donc si possible éviter toute pollution de l’eau potable. C’est une des raisons pour lesquelles les STEP doivent prendre des mesures pour l’élimination de ces composants.»