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En Suisse, il y a plus de risques de crimes en col blanc que de corruption

La Suisse perd huit places au classement de l’indice global de corruption et atteint le 20e rang. La lutte contre les crimes en col blanc est lacunaire, dénoncent les experts

Image d'illustration.  — © GAETAN BALLY / KEYSTONE
Image d'illustration. — © GAETAN BALLY / KEYSTONE

L’entreprise genevoise Global Risk Profile a publié mercredi son classement annuel des pays selon leur niveau de corruption et de criminalité économique. Cet indice de risque, l’indice global de corruption (GCI), offre une évaluation comparative du niveau de corruption et d’autres crimes en col blanc à travers le monde: 196 pays et territoires ont été analysés.

La Suisse fait un moins bon score que les années précédentes, bien qu’elle reste en haut du classement. Dans l’indice global, elle passe de la 12e à la 20e place. Cette chute s’explique principalement par une perception de corruption, un peu plus élevée cette année par rapport à l’année dernière, explique le cabinet genevois d’intelligence économique. La Suisse passe ainsi du 6e au 9e rang dans le sous-indice «corruption» de Global Risk Profile. Que signifie une «perception de corruption plus élevée»? «Cet indicateur est calculé à partir des résultats de sondages menés auprès de citoyens et d’experts, collectés notamment par l’ONG Transparency International et la Banque mondiale», explique Sonia Thurnherr, responsable du département développement au sein de Global Risk Profile.

© Global Risk Profile
© Global Risk Profile

Pas de quoi vraiment s’inquiéter, selon cette dernière. «Ce score résulte surtout d’une perte de vitesse par rapport aux autres pays en haut de classement. Certains pays ont amélioré leurs scores comme le Canada et le Japon, 14e et 15e au classement général, ce qui creuse d’autant plus l’écart avec une Suisse qui stagne», détaille-t-elle. «De manière générale, la Suisse présente de très faibles risques de corruption car elle reste dans le top 10 de ce sous-indice. Elle est beaucoup plus touchée par la problématique des crimes en col blanc», avertit Sonia Thurnherr.

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Selon le sous-indice spécifique, les risques liés à la criminalité en col blanc restent bien supérieurs en Suisse que dans nombreux autres pays européens. La Suisse occupe le même rang que l’année dernière, soit le 47e sur 196: bien après la France (5e), l’Espagne (8e), le Royaume-Uni (16e), le Portugal (17e) ou l’Allemagne (27e) ou encore l’Egypte et l’Arabie saoudite, respectivement à la 43e et 45e place. L’Estonie tient la tête du classement.

Des mesures lacunaires

«Notre système permet de percevoir les lacunes de chaque Etat. C’est en matière de lutte contre les crimes en col blanc que la Suisse doit s’améliorer en priorité. En instaurant plus de transparence, notamment dans l’identité des bénéficiaires d’une entreprise, qu’il est difficile de connaître. Elle doit aussi mettre plus d’efforts à assurer sa conformité aux standards internationaux du Groupe d’action financière (GAFI)», poursuit Sonia Thurnherr.

Un constat partagé par Martin Hilti, directeur de la section suisse de Transparency International. «En Suisse, le champ d’application de la loi sur le blanchiment d’argent est trop étroit. En principe, seuls les intermédiaires financiers sont concernés, comme les banques, par le devoir de diligence et une obligation de communiquer aux autorités toute suspicion. Le secteur immobilier n’est pas concerné, ni le secteur des objets de luxe et d’art, ni les bureaux de conseil, ni les services pour créer et administrer les sociétés de domicile. Ces conseils et services ont pourtant des rôles clés dans le processus de blanchiment d’argent», dénonce Martin Hilti. Une révision de la loi sur le blanchiment d’argent entrera en vigueur en 2023. «Le parlement a abandonné l’idée de légiférer sur le champ d’application pourtant l’une des plus grandes critiques de la communauté internationale envers la Suisse», poursuit-il.

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Transparency International a publié mi-octobre sa nouvelle comparaison internationale en ce qui concerne mise en œuvre de la convention anticorruption de l’OCDE. Elle pointait alors le manque de transparence en matière de décisions pénales, de la protection lacunaire des lanceurs d’alerte et de l’absence de registre public des bénéficiaires effectifs des personnes morales.

En attendant des actes politiques, les organisations anticorruption œuvrent année après année à proposer des indices. Dans l’espoir que les politiciens et l’opinion publique s’emparent de la question. «La corruption, le blanchiment d’argent, ce sont par essence des actes secrets, cachés, très difficiles à quantifier. Ces indices permettent de les dévoiler au plus près, de s’approcher des chiffres réels. Les indices permettent de connaître l’ampleur des problèmes pour pouvoir améliorer la lutte contre la corruption», souligne Martin Hilti.

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