Bien sûr, on peut considérer que la solution de la «préférence indigène light», approuvée par le Conseil national en septembre dernier, règle la question de la mise en œuvre de l’initiative de l’UDC «contre l’immigration de masse». De nombreux constitutionnalistes ne sont pourtant pas de cet avis, estimant trop grand l’écart entre le texte de l’article 121a et sa loi d’application. Raison pour laquelle ils saluent la volonté du Conseil fédéral de rédiger un contre-projet à l’initiative RASA.

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Comment concilier une initiative réclamant des contingents et la préférence nationale avec le respect de l’accord sur la libre circulation des personnes qui les interdit? Cruel dilemme auquel fait face la cheffe du Département fédéral de justice et police (DFJP) Simonetta Sommaruga. Jusqu’à présent, celle-ci n’a pas dévoilé sur quelles pistes elle planchait.

 1  L’hypothèse d’une réserve sur l’Europe

Mais les grandes lignes d’un premier papier de discussion confidentiel ont déjà filtré, évoquant plusieurs options. La première consiste à compléter l’article 121a par une réserve concernant le respect du droit international, à commencer par l’accord passé avec Bruxelles sur la libre circulation des personnes. Cette piste n’est pas très éloignée de la proposition faite par le Nouveau mouvement européen suisse (Nomes). Dans sa feuille de route présentée en 2015, celui-ci est plus précis sur la nature de la réserve, citant expressément «les relations entre la Suisse et l’UE». «Notre but n’est pas de biffer l’article 121a comme le veut RASA, mais de le rendre compatible avec la libre circulation des personnes», précise Caroline Iberg, cosecrétaire générale du Nomes.

 2  La suppression des contingents

Une deuxième variante du DFJP prévoit de supprimer l’exigence des contingents, le principal élément de l’initiative qui choque l’UE. En Suisse, tous les partis – sauf l’UDC bien sûr – ont désormais compris que jamais Bruxelles ne transigera sur un plafonnement de l’immigration, comme il l’a montré lors des négociations avec la Grande-Bretagne précédant la votation sur le Brexit. Le Conseil national y a renoncé, ne prévoyant que d’éventuelles «mesures correctives» qui seraient prises à titre transitoire et soumises au comité mixte.

 3  L'inscription de la relation Suisse-UE dans la Constitution

La troisième variante consiste à ancrer la relation bilatérale dans la constitution fédérale, ainsi que le PDC et le PBD l’avaient suggéré dans une initiative parlementaire peu après la votation du 9 février 2014. Selon le président du PBD Martin Landolt, le fait que la Constitution ne parle jamais de notre relation à l’Europe est «une lacune» à laquelle il faut remédier. «Il faut donc inscrire cette relation à l’UE dans la constitution et la soumettre en votation de manière à ce que le peuple précise ce qu’il a voulu dire en 2014».

 4  La piste de l’article de concordance du Foraus

Hormis ces trois pistes du DFJP, il reste «l’article de concordance» qu’a proposé le laboratoire de politique étrangère Foraus. Celui-ci stipule d’abord «que la Suisse gère son immigration de manière autonome», avant de proposer des mesures d’accompagnement pour la limiter, par exemple pour lutter contre le dumping salarial. «Comme notre proposition n’oppose pas directement le droit international au droit national, je pense qu’elle aurait de très bonnes chances de trouver une double majorité devant le peuple», déclare la directrice de Foraus Emilia Pasquier.

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