Coronavirus
Le personnel soignant, qu’il travaille dans un hôpital ou dans un cabinet médical, est en première ligne face à la pandémie de Covid-19. Il lance un cri du cœur et demande à toute la population, surtout aux jeunes, de faire preuve de civisme

Face à un ennemi invisible, ils sont au front. Alors que la population suisse est appelée à rester chez elle, eux ne le peuvent pas. Le personnel soignant est en première ligne pour faire face à la pandémie de Covid-19 qui frappe le pays. Leur quotidien est bouleversé. Si, pour l’heure, le physique et le mental de la majorité d’entre eux ne sont pas encore entamés, nous assurent-ils, ils savent que le plus dur est à venir et peuvent en avoir un aperçu en observant leurs collègues des urgences, des soins intensifs ou certains médecins de famille, qui, eux, sont déjà au cœur du combat.
«Au début de la pandémie, on ne se rendait pas compte. Mais rapidement, le nombre de patients s’est accumulé.» Infirmière aux soins intensifs, dans l’unité qui accueille les patients positifs au Covid-19, Carmen Catalioto Cuche a vécu les premières heures de la crise, avant de devoir quitter ses collègues. En raison d’une maladie impliquant un traitement qui la rendrait trop exposée, elle se retrouve confinée chez elle. «C’est difficile de rester momentanément sur la touche, confie-t-elle. Je pense à ma santé, mais aussi à mes collègues au travail.»
Lire aussi: Monique Lehky Hagen: «Le rôle de la population est primordial»
Coprésidente de la section vaudoise de l’Association suisse des infirmiers, elle se rend toutefois utile en demeurant attentive aux échos qui lui parviennent de ses collègues et en relayant, aux autorités, les éventuelles problématiques qui les atteignent. Pour l’heure, elle ne ressent pas de grandes craintes au sein du personnel hospitalier. Mais, elle le sait, cela peut évoluer, en même temps que la pandémie.
Retrouvez les nouvelles du 19 mars
Les hôpitaux, pas seuls au front
Dans la campagne vaudoise aussi, le vent du coronavirus est de plus en plus fort. Et il modifie en profondeur les habitudes. «Je suis assailli de téléphones. Je dois passer neuf dixièmes de ma journée au bout du fil… Sa batterie n’a pas le temps de recharger, je dois le laisser branché!» Le quotidien de Jacques Gabioud, médecin de campagne à L’Isle, est chamboulé. La plupart des consultations de routine sont supprimées. Cela ne l’empêche pas de ressentir l’inquiétude des gens, qui se matérialise par de nombreuses demandes de dépistage. Mais il ne peut y répondre positivement. Et pour cause: «Le matériel se commande au jour le jour. C’est une chose de dire qu’il faut dépister les gens à risque, mais si nous n’avons pas le matériel nécessaire…»
Aujourd’hui, la majorité du personnel soignant n’est pas au front. Dans les hôpitaux, de nombreux services ne sont pas encore au cœur de l’ouragan. En attendant la crise, restons sereins: c’est ainsi que l’on pourrait résumer le quotidien de ces milliers de médecins, soignants, infirmiers ou autres membres du personnel médical.
Mais ils le savent, le pic arrivera et ils seront mobilisés. Tous nos interlocuteurs ne cessent de nous répéter que «nous n’en sommes qu’au début». «On s’attend à avoir un rush, à être submergés et à devoir installer des lits dans les couloirs de l’hôpital», nous avoue une infirmière, active dans un grand hôpital romand, qui a préféré garder l’anonymat. Pour éviter d’être dépassés, les centres hospitaliers du pays n’ont pas attendu pour agir. Report des opérations ou consultations non urgentes, augmentation du taux de travail pour les temps partiels, rappel des jeunes retraités ou encore suppression des vacances jusqu’à fin avril pour le personnel utile à la prise en charge des patients. Une liste, de loin pas exhaustive, des mesures mises en place pour faire face à cette situation extraordinaire.
Lire également: Les hôpitaux suisses sont sous haute tension
«Les gens doivent se responsabiliser»
Mais cela ne peut être utile qu’à une condition: que la population respecte les mesures édictées par la Confédération. «Elle doit être cohérente. Elle ne peut pas être tous les soirs à 21 heures aux fenêtres pour applaudir le personnel soignant et, en parallèle, ne pas respecter les consignes.» Cette remarque est revenue dans tous les entretiens que nous avons réalisés avec des membres du personnel hospitalier, qu’ils travaillent à Genève, en Valais ou dans le canton de Vaud. «Les gens doivent se responsabiliser. C’est frustrant de voir que certains d’entre eux ne mesurent pas les implications de leurs actes», insiste Carmen Catalioto Cuche.
Ces critiques visent, notamment, le manque de civisme d’une majorité de jeunes qui n’ont, semble-t-il, pas encore pris conscience de la gravité de la situation. «Ils doivent comprendre que ce n’est pas le virus qui circule, mais que c’est nous qui le propageons», tonne un médecin assistant de l’Hôpital du Valais, sous le couvert de l’anonymat. Il tient à ajouter que la reconnaissance de la population fait chaud au cœur du personnel soignant, mais que ces remerciements doivent être bien plus larges: «Il n’y a pas que les infirmiers ou les médecins qui méritent ces applaudissements. Il y a beaucoup plus de monde à valoriser. Les réceptionnistes, le personnel des cafétérias, les personnes qui nettoient les locaux ou encore celles qui nous livrent les médicaments. Et j’en passe. Tous ces gens méritent cette reconnaissance. C’est injuste de les oublier.»
Lire encore: Didier Pittet insiste vraiment: «Ce n’est pas le virus qui circule mais les gens»
Cibles faciles pour le virus
Au contact des patients, quasiment jour et nuit, toutes ces personnes savent qu’elles sont une cible facile pour le virus. Les protections utilisées sont une barrière, mais il est impossible d’éviter certaines contaminations. C’est le cas à l’Hôpital du Valais, par exemple, où «à ce jour, quelques collaborateurs ont contracté le Covid-19» et «l’évolution de la situation reste incertaine», nous répond l’institution. En Lombardie, une des régions les plus touchées d’Italie, environ 20% du personnel soignant, soit quelque 350 personnes, a contracté la maladie et certaines en sont mortes, selon une étude réalisée par deux chercheurs italiens et publiée en ligne le 12 mars.
Retrouvez les principaux articles sur le virus
«Je n’ai pas très peur, il faut être raisonnable. Ça fait partie du métier, glisse Jacques Gabioud. Si on voulait vraiment se protéger, il faudrait fermer les cabinets et se rendre dans un chalet de montagne durant plusieurs semaines ou plusieurs mois. Mais ce n’est pas notre rôle.» Et si, aujourd’hui, en Suisse et dans le monde, les super-héros portaient simplement des blouses blanches?
En vidéo: Le coronavirus en 3 questions