Lancée il y a à peine deux semaines, l’initiative populaire fédérale anti-chauffards a trouvé son public. Plus de 20 000 signatures auraient déjà été rassemblées, selon RoadCross, l’association de défense des victimes de la route. Les initiants ont jusqu’au 27 octobre 2011 pour convaincre 100 000 signataires. Le succès semble certain.

De la prison jusqu’à 4 ans pour les auteurs de gros excès de vitesse, des retraits de permis prolongés, la confiscation des véhicules, une sévérité accrue pour les récidivistes. L’aboutissement ne faisant guère de doute, les citoyens suisses auront donc à se prononcer un jour sur l’inscription d’un tel arsenal dans la Constitution fédérale, au risque, avertissent les sceptiques, de transformer celle-ci en Code pénal.

Pour tomber sous le coup des dispositions de l’initiative, le dépassement de la limite autorisée devrait être d’au moins 40 km/h dans les zones à 30 km/h, 50 km/h à l’intérieur des localités, 60 km/h à l’extérieur des localités et d’au moins 80 km/h sur les autoroutes. La barre serait ainsi suffisamment élevée pour ne viser dans l’esprit des initiants que les criminels de la route et non les excès de vitesse du conducteur moyen.

RoadCross se bat depuis quelques années contre les fous du volant et les protagonistes de rodéos inconscients. Mais, en proposant une tarification des peines axée sur la seule vitesse, l’association suscite quelques réserves dans le milieu de la prévention. «La plupart des accidents mortels sont causés par des automobilistes qui ne correspondent pas à la définition de chauffard, souligne Stefan Siegrist, vice-directeur du Bureau de prévention des accidents (BPA). Il ne faut pas l’oublier.»

Les choses bougent aussi sur le plan judiciaire. La voie d’une sanction pour dol éventuel, qui assimile le conducteur à un meurtrier – la faute est si grave qu’il ne pouvait qu’accepter l’éventualité d’une issue fatale –, s’est révélée peu praticable. En revanche, le Tribunal fédéral vient d’admettre le cumul de deux infractions contre le responsable d’un accident mortel: l’homicide par négligence, qui est le plus souvent retenu pour les accidents de la route, et la mise en danger de la vie d’autrui. Ce cumul permet aux tribunaux de prononcer des peines allant jusqu’à 7 ans de prison, contre 3 ans ou 5 ans au maximum respectivement. Michaël Cordier, ancien coordinateur romand de RoadCross resté très actif dans ce domaine, se félicite de cette décision qui fera date: «L’augmentation de la sévérité des peines, qui est l’objectif auquel tout le monde adhère, me semble possible et bien adaptée par ce moyen.»

La statistique le dit, les morts causées par les conducteurs irresponsables ne sont pas plus nombreuses qu’avant. Mais elles sont de moins en moins acceptées. Comme si la société prenait conscience que le scandale n’est plus tolérable. D’un côté, certains chauffards repentis s’engagent dans des démarches de prévention. De l’autre, des proches de victimes trouvent désormais le moyen de donner un prolongement à leur perte. Le Temps leur a donné la parole.