Démission
Très engagée ces derniers temps dans diverses campagnes de votation, la vert’libérale vaudoise étonne en annonçant sa démission du Conseil national pour cet automne

L’une des femmes les plus flamboyantes – et controversées – du parlement tire sa révérence. Isabelle Chevalley (vert’libéraux/VD) annonce sa démission du Conseil national où elle aura siégé dix ans, signant ainsi sa retraite de politicienne active. «Je suis arrivée à la fin d’un cycle», confie-t-elle au Temps. Son avenir? Il est pour l’instant sans filet. Elle entend vivre au moins la moitié de l’année en Afrique où elle compte mener plusieurs projets dans le domaine du recyclage des déchets.
Cet amour-passion pour l’Afrique lui avait valu une avalanche de critiques à l’automne dernier. En femme de droite n’hésitant pas à critiquer les ONG, elle avait pris position contre l’initiative pour des entreprises responsables, craignant que les firmes suisses ne quittent certains pays pour laisser la place à des multinationales moins scrupuleuses. Les partisans de l’initiative l’avaient accusée tantôt de «corruption», tantôt de «néocolonialisme». Ils s’étaient aussi demandé si le passeport diplomatique qu’elle a reçu voilà quatre ans du président de l’Assemblée nationale du Burkina Faso à titre de conseillère était compatible avec son mandat de conseillère nationale. Le bureau du Conseil national, qui devait enquêter sur ce cas, peut clore le dossier.
A propos des critiques, en novembre 2020: L’honneur perdu d’Isabelle Chevalley
«J’ai perdu la patience»
«En politique, il faut posséder deux qualités primordiales: la patience et la persévérance. Or, j’ai perdu la patience», explique Isabelle Chevalley, visiblement soulagée d’avoir pris cette décision. Tout évolue très lentement en Suisse. Lorsqu’elle arrive sous la Coupole, elle plaide avec Dominique de Buman (PDC/FR) pour l’interdiction des sacs en plastique à usage unique. Miracle: le Conseil national comme celui des Etats les suivent. Mais l’administration met cinq ans pour accoucher d’un accord de branche encore insatisfaisant, aujourd’hui dénoncé par Les Verts. Autre exemple cité par celle qui est encore présidente de Suisse Eole: «En trente ans, nous n’avons réussi à ériger que 42 turbines en Suisse. Au Sénégal, ils en ont installé 46 en un an et demi!»
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«Je veux aller là où ça bouge», en déduit-elle. Mais en fait, la vert’libérale a été rattrapée par sa seconde identité, magnifiquement résumée par une amie burkinabée. «Isabelle a la peau blanche, mais le cœur noir.» Tout en elle respire l’Afrique, qu’elle sillonne depuis de nombreuses années. Elle espère passer au moins six mois par an en Afrique, notamment au Burkina Faso – un pays de 20 millions d’habitants sept fois plus grand que la Suisse, mais dont le PIB ne dépasse guère les 15 milliards de dollars –, le temps d’approfondir sa connaissance des problèmes.
Elle compte s’engager dans trois domaines: l’agriculture, les énergies renouvelables et bien sûr la gestion des déchets, une question sur laquelle elle a écrit un livre: «Ce n’est qu’en allant collecter des déchets avec les femmes chargées de ce travail que vous comprenez les problèmes concrets qui se posent», assure-t-elle. «Dans l’aide au développement, il y a trop de projets parachutés de l’Occident sans tenir compte de la culture des gens», déplore-t-elle. Isabelle Chevalley enrage lorsqu’elle voit des collectes de déchets mal organisées pour en faire du compost dans lequel il reste trop de plastique. «Lorsque la Suisse soutient un tel type de projet en Afrique, elle contribue à l’épandage de plastique dans les champs…»
Ce qui sera l’un de ses derniers débats politiques, au «Temps», à propos de la burqa avec Léonore Porchet: Cette burqa qui divise les féministes
«La politique est aussi violence»
La Vaudoise n’est pas du genre à se retourner sur le passé. Femme d’action et de passion, elle a toujours assumé ses convictions, n’hésitant jamais à prendre une position qui l’isolerait même dans sa famille politique. Ses nombreux combats lui ont valu parfois l’admiration de ses adversaires politiques pour son «courage de déplaire», mais aussi beaucoup de coups et d’insultes sur les réseaux sociaux, le discours de haine touchant particulièrement les femmes. «La politique est passion, mais aussi violence. Il faut savoir se forger une carapace, surtout nous les femmes, car on ne nous pardonne rien.»
Tout s’est vraiment passé très vite. Après un doctorat en phytochimie, Isabelle Chevalley s’est d’abord engagée au Parti libéral avant d’en être expulsée lorsqu’elle crée une liste pour les élections fédérales du mouvement «Ecologie libérale» en 2007. Politiquement apatride durant quelques années, elle fonde ensuite le Parti vert’libéral vaudois, qui décroche un siège au Conseil national en 2011. Durant huit ans, elle sera la seule figure de proue romande de ce parti qui pourtant cartonne de l’autre côté de la Sarine. «J’ai passé quinze ans à expliquer qu’on pouvait marier l’économie et l’écologie, ce que tout le monde admet désormais.»
Aujourd’hui, elle tient un autre discours novateur qui dérange. «La lutte contre la pauvreté en Afrique n’est pas prioritairement la tâche de l’aide au développement comme certains le croient en Suisse, mais celle de l’économie», affirme-t-elle. «Quand vous dites cela à la gauche, vous vous faites pendre», ajoute-t-elle, en partant d’un grand rire sonore. Au Conseil national, elle devrait céder sa place à l'ingénieure Céline Weber Koppenburg.