Candidat au Conseil d’Etat genevois sous les couleurs du Parti pirate, Alexis Roussel s’est fendu d’une lettre alarmée au président de la Confédération, à la veille du 1er Août. Motif: la Suisse officielle aurait baissé les bras face à l’espionnage informatique américain, dont l’ampleur éclate pourtant au grand jour semaine après semaine à travers les révélations de l’ancien consultant du renseignement américain Edward Snowden.

Le Temps: «Monsieur le Président, vous bradez l’intégrité du pays, […] vous abandonnez la population suisse, […] vous liquidez la souveraineté»: vous n’y allez pas de main morte! Que vous a fait ce pauvre Ueli Maurer?

Alexis Roussel: Les messages sont toujours mieux reçus quand ils sont exprimés dans le langage de ceux à qui ils s’adressent! Nous voulons que le gouvernement réagisse face à l’espionnage et la surveillance exercés par les Etats-Unis. Le Conseil fédéral et le préposé à la protection des données ont les outils pour répondre à cette menace.

– Qu’attendez-vous exactement des autorités suisses?

– Il existe un accord d’exportation de données personnelles vers les Etats-Unis. Cet accord – c’est le principe de Safe Harbor – est basé sur la confiance. Les entreprises américaines doivent garantir un niveau de protection des données équivalent à ce qui se fait dans l’Union européenne. Puisque la confiance est rompue, on peut parfaitement révoquer cet accord et interdire l’exportation de données personnelles vers les Etats-Unis.

– Votre lettre et sa virulence ne sont-elles pas un bon moyen d’occuper le terrain médiatique, à deux mois des élections genevoises?

– Notre action ne date pas d’au­jour­d’hui. Maintenant, il est vrai que le 1er Août est une belle occasion de faire passer des messages. Si notre lettre a autant frappé les esprits, c’est peut-être qu’elle touche quelque chose de particulièrement important.

– Les Américains lisent nos mails. Est-ce vraiment si grave?

– Oui, parce que l’enjeu va bien au-delà. Nous avons des partenariats avec des Etats censément amis. Or, on le voit, ils nous imposent une surveillance totale. Est-ce ainsi que l’on envisage les relations internationales? Je ne le crois pas. La surveillance généralisée est sournoise comme la radioactivité. Au début, on ne se rend compte de rien et, un beau jour, on se retrouve interrogé par la police ou interdit d’entrée sur un territoire. C’est grave.

– N’y a-t-il pas une contradiction dans les termes à vouloir défendre la sphère privée tout en prônant la transparence à tous les étages?

– Au contraire! Aujourd’hui, les Etats veulent la transparence de la vie privée et le secret pour les affaires officielles. Nous demandons l’exact opposé.

– Mais plus le monde sera transparent, plus nos faits et gestes seront exposés!

– Absolument, mais c’est au citoyen de décider où placer le curseur. Nous demandons la transparence pour les données qui influencent la société. Comme les décisions des gouvernements, ou le financement des partis. Pas pour nos vies quotidienne et privée.