C’est une tradition: à chaque Fête fédérale, le lutteur qui remporte la couronne gagne aussi un taureau. Lequel est toujours choisi avec soin, bien avant le rendez-vous. Lorsque les Fribourgeois sont désignés pour organiser l’édition 2016 de la méga manifestation, ils se sont aussitôt mis en quête du trophée. «En principe, le taureau offert provient de la race Simmental et il est brun. Mais nous avons voulu un taureau de la race Holstein, pour sa génétique laitière, afin de mettre en valeur l’excellence de nos élevages. En plus, comme il est noir et blanc, c’était aussi une sorte de clin d’œil aux couleurs de notre drapeau cantonal», explique Gaby Yerly. Les éleveurs de la région font une première sélection et présentent trois jeunes taureaux, avec une préférence pour celui qui s’appelle alors Poséidon, appartenant à une association d’éleveurs des Ecasseys.
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«L’ambassadeur des éleveurs»
Poséidon est rebaptisé en grande pompe en septembre 2014, prenant du coup le nom de son sponsor, associé à une des spécialités fromagères. Mazot de Cremo, «un nom aux consonances aristocratiques pour un animal qui est désormais l’ambassadeur des éleveurs, qui portera les couleurs de Cremo et qui fera la fierté du prochain Roi de la lutte», dit alors dans son discours Paul-Albert Nobs, directeur de l’entreprise laitière. Christine Bulliard-Marbach est évidemment de la fête. Tout comme le parrain, l’ancien lutteur Hans-Peter Pellet.
Mazot de Cremo est choyé pendant près de deux ans. «Il a été traité comme un sportif d’élite», raconte Gaby Yerly. Et ce n’est pas une mince affaire. Le taureau est encore jeune. Il grandit mais doit atteindre le poids idéal quand aura lieu Estavayer2016. Son régime se compose quotidiennement de vingt kilos de foin, deux kilos de maïs et deux kilos de mélange spécial. Il a également tout un programme, composé de manifestations officielles et de défilés. «Il fallait l’habituer au bruit, à la foule», explique encore Gaby Yerly.
Des moments immortalisés
Et c’est sa marraine ou son parrain qui s’y collent. La conseillère nationale se souvient par exemple lui avoir apporté ses étrennes, fin décembre 2015. Un panier rempli de victuailles. Autant de moments qui sont médiatisés, immortalisés.
Le taureau est à point lorsque s’ouvre la fête, fin août 2016. Il reste calme dans son enclos. Il est docile lorsqu’il s’agit de faire le tour de l’arène sous un soleil de plomb et prend la pose aux côtés de Miss Suisse et autres célébrités. Mais Mazot de Cremo intrigue. Il est haut sur patte, plutôt fin. Une silhouette qui en a surpris plus d’un. «C’est la race qui veut ça», répond Gaby Yerly.
Un taureau encombrant
Une fois éteints les projecteurs de la fête, les organisateurs de la manifestation apprennent que le roi Matthias Glarner ne veut pas de l’animal. Il préfère l’enveloppe contenant 30 000 francs en espèce. C’est la surprise: il est rare qu’un roi fasse ce choix. «Je peux comprendre, poursuit le vice-président. Matthias Glarner n’a pas de domaine agricole.» Ou ne veut-il pas un taureau de la race Holstein au pays des Simmental? Christine Bulliard-Marbach se souvient de sa dernière mission officielle: «Nous sommes allés le remettre symboliquement au vainqueur, fêté à Meiringen, comme le veut la tradition.» Une ultime photo avant de prendre le chemin du retour, direction les Ecasseys.
Mazot de Cremo perd du coup tout son lustre. D’ambassadeur, il devient simple reproducteur. Dans la foulée, il grossit et passe d’environ 1000 kilos à 1300 kilos. «Il aurait pu casser le dos d’une vache», pense Gaby Yerly, malgré tout reconnaissant envers les éleveurs de ne pas l’avoir abattu trop vite après la manifestation. «Il aura des descendants, assure Alexandre Papaux de l’association des éleveurs. Quatre à cinq vaches sont actuellement portantes.»