Elles ont disparu du site depuis, mais les deux réactions d’internautes du Matin repérées ce lundi étaient symptomatiques de l’électrochoc ressenti suite aux déclarations du président de l’EPFL: Patrick Aebischer a annoncé ce week-end dans la Schweiz am Sonntag que les étudiants des deux EPF pourraient voir leurs taxes d’études passer de 1200 à 2400 francs en 2017. Ce, suite à l’ampleur des coupes budgétaires dans la formation demandées au parlement par le Conseil fédéral.

Que disent-ils, ces lecteurs? Que «la richesse de la Suisse repose sur le savoir-faire et l’innovation, deux choses qui font notre prospérité». Alors question: «Pourquoi couper la branche sur laquelle nous sommes assis?» Mais encore: «Dans un des pays les plus riches du monde, je me dis qu’il y a un gros problème dans ce pays: le chacun pour soi et le libéralisme à outrance sont destructeurs à moyen long terme pour le peuple…»

A contrario, en marge d’une interview donnée à RTS Info, le professeur Denis Duboule rappelle qu’un étudiant universitaire coûte de 9000 à 53 000 francs par an, selon les chiffres OFS/2014. D’où le résultat surprenant de ce petit sondage en ligne, qui montre un important front de résistance: deux-tiers des 170 personnes interrogées par la RTS pensent que les frais d’écolage devraient être inférieurs à 1500 francs:

«Les coûts en Suisse ne sont [donc] pas au niveau où ils devraient être, juge Denis Duboule. Ils ne sont pas suffisamment élevés pour que les étudiants se rendent compte de la qualité des enseignements et à quel point l’acquisition de connaissances est quelque chose de précieux», explique le professeur de génétique à l’Université de Genève et à l’EPFL.

Plus polémique, Michael Wyler, sur son blog «Post Scriptum» hébergé par L’Hebdo, se moque de ces «pauvres chouchous» qui disposent «d’une formation d’excellente qualité, d’un lieu d’études paradisiaque, de restaurants dans lesquels un repas complet coûte 8 fr. 50». Et «mieux encore»: le jour où ils ont leur diplôme en poche, «vous êtes libres de bien gagner votre vie en Suisse ou ailleurs sans avoir à rembourser le moindre centime! Et vous criez au scandale pour une hausse de taxe de 3 fr. 40 par jour?»

Mais le feu couvait... Le président du Conseil des EPF, Fritz Schiesser, avait déjà évoqué une augmentation des taxes dans le Tages-Anzeiger mercredi dernier en excluant tout «tabou». Un lecteur lui avait répondu qu’il ne voyait pas pourquoi «on freinait des quatre fers face à une éventualité de taxes plus élevées pour les étudiants étrangers». Sous-entendu: seulement pour les étrangers.

Lire aussi: L’EPFL veut doubler ses taxes d’étude dès l’année prochaine (24.01.2016)

Cette drôle d’idée mise à part, le combat s’est engagé, dans le canton de Vaud en tout cas. Deux représentants du PLR se sont exprimés clairement, sur RTS Info et dans 24 Heures: respectivement le conseiller aux Etats Olivier Français et le conseiller national Fathi Derder. Le premier pour dire que «les taxes n’ont pas été augmentées depuis près de trente ans»; et le second pour affirmer que «les études à l’EPFL restent très bon marché, avec une haute valeur ajoutée. Une augmentation ne sera pas un drame.»

Autre son de cloche à gauche, où la Jeunesse socialiste vaudoise (JSV) s’est indignée et a lancé lundi une pétition en ligne sur Avaaz.org, à l’attention de Patrick Aebischer et du conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann, chargé de la Formation et de la Recherche. Elle était signée par à peine 300 personnes mardi à la mi-journée. «Les bourses d’études actuelles sont déjà lacunaires en Suisse, mais bientôt, seuls les étudiants de familles aisées pourront accéder à l’EPFL. Voulons-nous des universités élitistes?» déclare de son côté Rémi Petitpierre, membre du Comité directeur de la JSV et étudiant à l’EPFL dans... L’Agefi.

Les Jeunesses socialistes du Valais romand se sont jointes au mouvement en proposant la même pétition et en arguant du fait qu’on demande déjà beaucoup de «sacrifices» aux étudiants, comme par exemple l’obligation d’avoir un emploi en parallèle à leur cursus universitaire, qui coûte tous frais compris déjà un peu plus que 2200 francs par mois, selon l’OFS. C’est sans doute pour cette raison que Le Courrier de Genève espérait, mardi dans son éditorial, que derrière «l’action» de Patrick Aebischer «se cache d’abord une provocation destinée à mettre la pression sur les autorités fédérales, et particulièrement sur les élus romands».