Sur la vitrine de la boulangerie Bossalini de la Via Torrascia à Claro, une commune de quelque 2800 habitants, figure un autocollant stipulant que 100% des employés résident au Tessin. «Lorsque le sticker est sorti, en février 2015, les médias en ont fait tout un foin, certains criant au racisme anti-Italien, se souvient Tiziano Bossalini, propriétaire de l’établissement. Pourtant la grande majorité de mes clients ont approuvé mon choix.»

L’autocollant a pour objectif de montrer aux consommateurs le pourcentage de travailleurs vivant en Suisse employés par un commerce, rappelle le boulanger. «Ce n’est pas de la xénophobie; moi-même je compte parmi mon personnel des étrangers au bénéfice d’un permis B. En affichant l’autocollant, je voulais simplement rendre visible le fait que nous faisons travailler des gens qui habitent et paient leurs impôts au Tessin.»

Un sticker vendu dix francs

A Claro et dans les environs, 21 autres commerces – essentiellement de petits négoces, un salon de coiffure, une entreprise de plomberie… – pensent comme Tiziano Bossalini et ont choisi de montrer à leur clientèle, à l’aide du sticker communal vendu dix francs, qu’ils embauchent des travailleurs locaux. Alors que la grande distribution est souvent critiquée pour son emploi massif de frontaliers italiens, le Denner de Claro aussi affiche son pourcentage de travailleurs résidents.

«Pour nous, il est important de soutenir l’économie locale en recrutant des personnes qui vivent ici et avec l’autocollant, nous avons voulu le communiquer à nos concitoyens, lesquels ont très bien accueilli l’idée», explique Grazia Grassi, porte-parole chez Denner. Des cinq salariés de la grande surface, deux vivent à Claro et les trois autres résident dans des communes voisines. «Dans notre secteur, rien ne peut justifier l’embauche de travailleurs frontaliers», ajoute-t-elle.

«Ce serait la révolution»

Fin juin, la commune de Claro a décidé de renouveler l’initiative de l’autocollant cette année encore. «Le nombre d’entreprises qui en a fait usage est modeste, reconnaît Roberto Keller. En revanche, au niveau politique, nous avons connu un succès énorme.» Le maire PLR de Claro fait valoir que le sticker a fait abondamment discuter du lancinant problème de la concurrence des frontaliers italiens, lesquels se contentent des deux tiers d’un salaire suisse, souligne-t-il.

«Je n’ai rien contre les Italiens qui, comme nous, cherchent à travailler pour nourrir leur famille», assure Roberto Keller. C’est le système qui est problématique, selon lui: sur 240 000 actifs dans le canton, plus de 60 000 viennent de l’autre côté de la frontière. «Les Italiens me disent que si cette proportion de travailleurs étrangers prévalait chez eux, ce serait la révolution; nous, nous avons proposé un autocollant.»

Et celui-ci a fait des émules. Quelques semaines après sa création à Claro, la commune de Monteggio lui emboîtait le pas avec son propre sticker. «Notre tissu économique est différent de celui de Claro, explique Piero Marchesi, maire UDC de la commune frontalière. Nous comptons beaucoup de sociétés industrielles qui traditionnellement, ont davantage recours aux Italiens, notre initiative vise essentiellement à inciter nos résidents à acheter localement.»

Obligatoire pour toutes les entreprises

En mai dernier, dans la commune de Losone à Locarno, la Lega dei Ticinesi réclamait un autocollant comme celui de Claro, mais obligatoire pour toutes les entreprises. «Le but est d’inciter les employeurs à faire travailler qui vit et paie des taxes ici», explique Beatrice Duca, cheffe de la Lega à Losone. De nombreux postes de travail autrefois occupés par des Tessinois le sont maintenant par des Italiens, pour économiser, ajoute-t-elle. «Cela ne favorise pas notre économie.»

Au niveau cantonal, le parlement débattait en mars 2015 deux propositions (UDC et PS) de label pour les entreprises privilégiant la main-d’œuvre domiciliée dans le canton. Soutenue par la Lega, le PRD et le PRL, la majorité a voté pour que les entreprises – leurs entreprises – en soient responsables. Devant l’inertie qui a suivi, le PS et l’UDC (qui souhaitaient que la responsabilité incombe à l’Etat), cette fois appuyés par la Lega, sont revenus à la charge en septembre avec une motion demandant au gouvernement de mettre en place d’urgence le label. Depuis, le dossier s’éternise toujours en commission.