Une union «historique» entre deux anciens frères ennemis. C’est ce dont le Tessin sera vraisemblablement le témoin dans quelques semaines. Pour les élections fédérales d’octobre, le Parti démocrate-chrétien (PDC) et le Parti libéral-radical (PLR) pourraient s’unir. Confrontés à l’alliance Lega-UDC à droite et à l’accord rose-vert à gauche – les socialistes et les Verts ayant fait la paix après des années de dissension, s’unissant aux petites formations de gauche –, les deux partis du centre droit voient aussi l’intérêt de se rapprocher.

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«Pour le PDC, une alliance est indispensable, souligne Nenad Stojanovic, politologue à l’Université de Genève, sinon il risque de perdre son deuxième siège à la Chambre du peuple au profit de la gauche, pour qui un second siège est quasiment assuré.» En contrepartie, le PLR aura besoin d’un coup de pouce pour faire passer son candidat Giovanni Merlini du Conseil national au Conseil des Etats, observe-t-il. Pour l’heure, le canton compte dix parlementaires: deux PLR, deux PDC, deux Lega, un PS et un UDC au Conseil national, auquel s’ajoutent un démocrate-chrétien et un libéral-radical à la Chambre haute.

Convergence politique

Mais plus qu’une simple entente en vue du 20 octobre, Bixio Caprara, président du PLR tessinois, imagine une véritable convergence politique. Sans toutefois parler de mariage ou de fusion, bien entendu. «Nous ne voulons pas nous limiter à de l’opportunisme électoraliste. A Berne, les députés tessinois des deux partis travaillent déjà très bien ensemble; une éventuelle entente au niveau cantonal serait la conséquence de cette collaboration.»

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Pour que celle-ci se concrétise, les deux partis doivent partager certaines priorités, fait encore valoir Bixio Caprara. «Le PDC est-il prêt à soutenir certains dossiers qui nous tiennent à cœur?» Il cite notamment celui de la réforme fiscale cantonale. «Nous devons savoir s’il y a volonté de part et d’autre d’envisager des stratégies communes pour affronter certaines problématiques existantes et futures», explique-t-il, ajoutant que le dernier mot reviendra aux membres du parti, lors du comité cantonal agendé au 1er août.

«Une opportunité qui nécessite du courage»

Au PDC tessinois, son homologue, Fiorenzo Dadò, salue l’ouverture du PLR quant à une éventuelle alliance au centre. «Celle-ci se fait dans divers cantons. Nous avons sollicité le PLR car nous estimons que le temps est venu pour le Tessin de franchir ce pas historique, en raison des alliances à gauche et à droite. Il s’agit d’une opportunité qu’il vaut la peine d’évaluer et qui nécessiterait beaucoup de courage», considère-t-il.

Le président du PDC tessinois nie toutefois qu’il s’agisse d’un premier pas vers une fusion future. «Les deux partis sont distincts, avec chacun leur histoire et leurs particularités; il serait plutôt question de valoriser nos objectifs communs avec une politique du centre.» La base suivra-t-elle? «On ne peut certes rien lui imposer. Mais si le projet lui est bien expliqué, elle peut certainement être convaincue de l’intérêt d’une telle démarche.»

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Au Tessin, un accord a déjà été discuté par le passé, mais sans suite concrète, rappelle Oscar Mazzoleni, professeur à la Faculté des sciences sociales et politiques de l’Université de Lausanne. «Si, cette fois, il se matérialise, il ne sera cependant pas facile à communiquer à la base. Dans les deux partis, le risque est de donner l’impression d’une perte d’identité et de poursuivre une logique opportuniste.»

«Union impensable en Valais»

Dans les cantons catholiques où il y a traditionnellement un important clivage Eglise-laïcité, les deux formations ont beaucoup plus de difficultés à trouver des ententes, constate-t-il. Comme en Valais, où le PDC est toujours très fort, une union est encore impensable, souligne-t-il. Les deux ont un héritage de conflit profondément enraciné. «Mais ces dernières années, la situation a évolué, comme à Lucerne, où des ententes électorales ont été scellées.»

«Pendant longtemps, si vous étiez né dans une famille PLR ou PDC, vous votiez comme elle, indépendamment du programme, renchérit Nenad Stojanovic. Même les mariages mixtes étaient très mal vus. Aujourd’hui, les jeunes générations s’en fichent.» D’ailleurs, il estime que tôt ou tard, une fusion PLR-PDC sera à l’ordre du jour à l’échelle du pays, à cause des pertes continues de ce dernier. Ce sera une question de survie, pense-t-il. «La question se posera d’abord, au niveau national, où les réserves seront moindres que dans les cantons catholiques comme le Tessin ou le Valais.»