Du cimetière au «bois sacré», l’évolution d’un rite funéraire
Environnement
Un avocat tessinois veut enterrer des urnes biodégradables dans la forêt. Une pratique écologique bouleversant la tradition, qui se répand en Suisse et dans le monde

Des rites funéraires plus écologiques. C’est ce que propose le Tessinois Aldo Ferrini avec son projet de «bois sacré». Cet avocat de Lugano a découvert, en naviguant sur internet, que dans les pays nordiques, dans certaines régions d’Italie ou au Canada, on recourt pour le dernier repos à des urnes biodégradables qu’on ensevelit dans la forêt.
«Pourquoi ne pas faire de même au Tessin? demande Aldo Ferrini aux autorités de son canton. Et remplacer nos tristes cimetières par des bois où l’on se balade et où les enfants jouent, tout en revalorisant des zones forestières abandonnées? Là, dans une urne biodégradable, nous y enterrerions les cendres de nos défunts sous un châtaignier, un noisetier, un pin…»
«Les sépultures des cimetières conventionnels polluent les sols»
Une solution plus durable d’un point de vue écologique, souligne-t-il. «Les sépultures des cimetières conventionnels polluent les sols, menaçant de contaminer les nappes phréatiques. En revanche, dans le «bois sacré», les cendres et leurs oligoéléments nourrissent la terre.»
Auprès de son canton, Aldo Ferrini assure avoir trouvé «des fonctionnaires ouverts et sensibles à la question». On lui a dit qu’il s’agit d’abord de trouver des propriétaires qui acceptent de céder du terrain à cet effet. Il a reçu des appuis du côté de l’Eglise également. «Des prêtres m’ont dit que, pour eux, bénir un cadavre dans une tombe ou des cendres dans une urne biodégradable enfouie sous une plante revenait au même.»
Comme prochaine étape, Aldo Ferrini entend créer une association à but non lucratif avec d’autres personnes croyant au projet, en vue de le faire avancer. Il doit rencontrer cette semaine les autorités d’une quatrième commune, Monte Ceneri, pour exposer son idée.
Une possible baisse des coûts
Tullio Crivelli, maire de Torricella-Taverne, a déjà été approché par l’avocat luganais. «C’est un projet particulier qui pourrait être intéressant et permettrait même de limiter les coûts liés aux rites funéraires traditionnels.» Seulement, il faut trouver l’emplacement juste, estime-t-il. Pas trop proche des habitations, tout en étant accessible y compris pour les personnes à mobilité réduite. Avant de s’engager, le maire veut sonder ses citoyens. «Selon notre interprétation de la mort, ou pour qui a la foi chrétienne, enterrer les cendres de ses proches dans la forêt est peut-être difficile à envisager.»
Juriste et secrétaire général de la Conférence pour la forêt, la faune et le paysage, Thomas Abt rappelle qu’en 2005, un document national a été élaboré sur le thème. «Il s’agissait de définir les conditions dans lesquelles un tel cimetière peut être établi, des initiatives s’étant manifestées dans ce sens.» Il se souvient du cas d’une commune bernoise où les habitants se plaignaient du va-et-vient des visiteurs qui allaient se recueillir auprès de leurs morts.
«Ils avaient même fait appel à la justice pour empêcher ce type de nécropole, mais sans succès. La pratique est légale et il faut des raisons importantes pour justifier son interdiction, selon l’article 16 de la loi fédérale sur la forêt.» Le tribunal de Berne avait aussi statué que les cendres ne devaient pas être concentrées dans un seul endroit car cela pouvait être problématique pour la biodiversité.
Thomas Abt ajoute que certaines conditions doivent évidemment être respectées. «Par exemple, aucune tombe ou infrastructure, telles que des sentiers, des pierres tombales ou des bancs, ne peut être construite dans la forêt.» A sa connaissance, de telles pratiques existent déjà dans le nord-est du pays, notamment dans les cantons de Thurgovie, Argovie, Zurich et Saint-Gall.