Le 19 mai, les Tessinois voteront sur l’initiative populaire «Giù le mani dalle officine» («Pas touche aux ateliers»): pour la création d’un pôle technologico-industriel dans le secteur des transports publics. Soutenue uniquement par l’extrême gauche, les Verts et quelques sections du Parti socialiste, elle réclame, comme l’indique son titre, une loi pour la création d’un pôle technologico-industriel situé sur le site des ateliers CFF, au centre de Bellinzone, et que le Conseil d’Etat fonde une société de gestion mixte qui assurerait le maintien de leurs activités et le développement de nouveaux services.

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Une initiative déposée après la grève de 2008

L’initiative avait été déposée en 2008, au lendemain de la grève historique de 33 jours menée par les ouvriers pour retenir les ateliers au Tessin, avec près de 15 000 signatures. Onze ans plus tard – et moult tractations infructueuses entre CFF, personnel des CFF et gouvernement – le contexte a bien changé. Fin 2017, le canton, la ville de Bellinzone et les CFF se sont entendus pour construire d’ici à 2026 les «ateliers les plus modernes d’Europe», à Castione, au nord du canton.

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Si l’initiative passe, cela compromettra le projet, craint Roberta Cattaneo, directrice des CFF région sud. «Cette dernière diffère trop de notre stratégie. Le cas échéant, nous devrions nous rasseoir à table avec nos partenaires. Mais ce n’est pas ce que nous souhaitons.»

Le projet de Castione créerait entre 200 et 230 emplois qualifiés et consiste en un investissement de 360 millions de francs: 180 des CFF, 120 du canton et de Bellinzone, et 60 de la Confédération. En contrepartie de leur participation financière, le canton et la capitale disposeront des 100 000 m2 du site actuel des ateliers pour réaliser un parc technologique.

Pour les initiants, il y aura des centaines de postes supprimés

Président du comité Giù le mani dalle officine, représentant le personnel des ateliers tessinois ainsi que les syndicats Unia, Transfair et SEV, Gianni Frizzo est la figure emblématique qui avait conduit les ouvriers à débrayer. Il n’est pas nostalgique; il estime que l’initiative de 2008 demeure d’une actualité lancinante.

«Les politiques ne peuvent décider seuls de rendre caducs des accords âprement négociés avec les CFF à l’époque et mettre 120 millions de francs d’argent public dans un projet industriel dont on sait très peu – puisqu’il sera dévoilé après la votation –, sinon qu’il supprimera des centaines de postes. Les citoyens ont leur mot à dire», s’indigne-t-il, ajoutant qu’il ne voit pas pourquoi des emplois qui répondent aux besoins actuels et qui ont le potentiel de s’adapter aux exigences futures devraient aujourd’hui être sacrifiés.

«Des études de la Haute Ecole spécialisée de la Suisse italienne (Supsi) montrent que les ateliers existants ont toutes les cartes en main pour poursuivre leurs activités et relever les défis du futur», renchérit Matteo Pronzini, membre du comité promouvant l’initiative et député au Grand Conseil (Mouvement pour le socialisme, MPS). Quant au parc technologique projeté au cœur de Bellinzone, l’élu pense qu’il ouvrira surtout d’intéressantes perspectives aux spéculateurs immobiliers.

Pour les opposants, la donne a changé

Roberta Cattaneo assure que la centaine de postes en moins ne se traduira pas en licenciements. «Les ateliers de Bellinzone comptent 340 salariés au bénéfice d’un contrat collectif, dont 90 prendront leur retraite d’ici à 2026, et quelque 45 travailleurs intérimaires.» Elle rappelle que les CFF se sont engagés à verser 8 millions de francs pour un programme de requalification professionnelle.

Membre du comité pour le non et ancien président d’Unia, Renzo Ambrosetti fait valoir que l’initiative avait un sens en 2008, pour éviter le démantèlement des ateliers tessinois. Désormais, il est convaincu de l’intérêt du projet envisagé à Castione.

«Celui-ci offre des perspectives aux générations futures. Si les ateliers sont performants, ils pourraient même à l’avenir acquérir de nouveaux marchés et ainsi augmenter l’occupation.» Par contre, si le oui l’emporte, les CFF pourraient éventuellement en avoir ras le bol du Tessin, estime-t-il, lever le camp et s’installer ailleurs. «Mais il me semble que la majorité de la population a compris que la donne a changé en onze ans.»