La foudre embrase les forêts du Tessin
Environnement
Avec le changement climatique, le nombre de feux de forêt causés par des éclairs ne cesse d’augmenter. La situation est particulièrement préoccupante au sud des Alpes

Après la canicule, la nature s’est déchaînée au Tessin avec de violents orages à la fin de la semaine dernière. En Suisse, Lugano et le Malcantone sont les zones où les impacts de foudre sont les plus fréquents.
«L’éclair est le phénomène météorologique le plus dangereux, souvent mortel pour les êtres vivants», soutient Luca Nisi, météorologue à MétéoSuisse, ajoutant que chaque année des animaux de pâturage, parfois des troupeaux entiers, sont foudroyés. «Mais les incendies et les dommages à l’infrastructure sont plus courants.» D’ailleurs, ces dix dernières années, le Tessin a enregistré huit fois plus de sinistres causés par la foudre qu’ailleurs dans le pays, selon l’assureur Axa Suisse.
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Les modèles climatologiques ne sont pas encore suffisamment développés pour prédire comment le changement climatique influence les orages, indique l’expert. On sait cependant que les vagues de chaleur estivales et les périodes de sécheresse sont appelées à être plus fréquentes. «Ces conditions sont moins favorables aux orages qui peinent à se développer avec de l’air chaud à haute altitude. Ils pourraient donc être moins nombreux.»
Or, d’un autre côté, la température moyenne étant plus élevée, il y aura plus d’humidité dans l’air, donc plus d’énergie. Pour cette raison, on pourrait imaginer que le nombre d’orages pendant l’année augmentera. «Les incendies d’été seront en tout cas plus fréquents, s’amorçant plus facilement vu la sécheresse. En outre, dans ces conditions, les orages se caractérisent par beaucoup de vent et d’éclairs, et peu de pluie.»
Les orages: une histoire tessinoise
L’étude des orages a une longue histoire au Tessin. En 1943, un centre d’étude de la foudre, aujourd’hui un musée, a été fondé au sommet du mont San Salvatore, dirigé par Karl Berger de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich. Dans les années 1950, la station météorologique de Locarno Monti a été la première à utiliser un radar (militaire, à l’origine) pour étudier les orages. La station a développé des algorithmes permettant de prédire les orages violents qui sont utilisés ailleurs en Suisse.
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Chercheur à l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage WSL, à Cadenazzo, où il étudie les facteurs liés aux déclenchements de feux de forêt engendrés par la foudre, Boris Pezzatti rappelle qu’en Suisse la seule cause naturelle d’incendies, c’est les éclairs; près de la moitié des feux de forêt estivaux y sont dus lors des années plus sèches. «Au Tessin, les mois de juillet et août sont les plus propices pour ce type d’incendie, lequel se développe souvent à partir de la base de conifères frappés par la foudre, où une litière d’aiguilles s’est accumulée au fil des ans.»
Ces feux sont souvent souterrains et leur identification peut être difficile les premiers jours car la combustion est très lente au début, explique-t-il. «En Léventine, un forestier distinguait à peine un peu de fumée et il s’est rendu compte qu’il y avait un feu lorsque sa semelle a fondu.» Ils se produisent surtout au-dessus de 1000 mètres d’altitude, dans des zones exposées, rocheuses et souvent d’accès compliqué. «Ce qui peut rendre les interventions dangereuses, d’autant qu’ils sont difficiles à éteindre», signale le chercheur, soulignant que le phénomène s’observe surtout dans les Alpes; au Tessin, mais aussi dans les Grisons et en Valais.
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Augmentation des feux
Chef de la section forestière de l’administration cantonale tessinoise, Roland David cite quelques chiffres: entre 2000 et 2010, 12% des feux avaient pour origine un éclair, tandis qu’entre 2011 et 2022, ils étaient 15,75%. En 2020, leur proportion s’élevait à 19% et cette année, à ce jour, à 20,7%. «Donc, oui, leur nombre augmente, mais jusqu’à présent, ce genre d’incendie n’a pas affecté de grandes surfaces.»
Comme il ne se développe pas en superficie, on peut penser l’avoir éteint et quatre jours plus tard, il peut repartir, affirme le responsable. «C’est pour cela que nous effectuons des relevés avec une caméra thermique.» Depuis plusieurs années aux prises avec les feux de forêt, le Tessin a développé une expertise qu’il partage avec les autres cantons. «Nous sommes bien organisés, nous avons été confrontés à un nombre élevé de feux provoqués par des éclairs cette année et nos interventions ont été efficaces», relève Roland David, précisant que parfois ceux-ci démarrent et s’éteignent seuls, grâce aux précipitations, ou à quelques lancers d’eau d’hélicoptère. «Comme à la fin de la semaine dernière à Giornico. Mais en ce moment, ce sont les incendies causés par les humains qui nous préoccupent le plus.»
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