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Impôt des frontaliers: le Tessin évite la crise avec l’Italie

Le Conseil d’Etat donne le feu vert à la rétrocession de l’impôt des frontaliers, en échange de l’engagement de la Lombardie et du Piémont à réaliser des travaux pour atténuer les nuisances du trafic frontalier

La frontière Italo-suisse, à Chiasso — © GAETAN BALLY
La frontière Italo-suisse, à Chiasso — © GAETAN BALLY

Le Conseil d’Etat a donné vendredi son feu vert pour la rétrocession à l’Italie de l’impôt prélevé sur les salaires des frontaliers en 2017, dans la proportion convenue par l’accord fiscal de 1974 entre la Suisse et le pays voisin. Des engagements pris ces derniers jours par les régions de la Lombardie et du Piémont permettent de dénouer une tension qui se répercutait jusqu’au sein du gouvernement cantonal. L’approche diplomatique l’aura emporté, les Italiens respirent.

Depuis des années, les Tessinois supplient leurs voisins d’adopter des mesures pour réduire le trafic transfrontalier: davantage de stationnements du côté italien, plus de trains et de bus pour les travailleurs, des transports d’entreprise… Sans résultats significatifs. Avec plus de 65 000 travailleurs italiens qui traversent la frontière chaque jour – ils n’étaient que 27 000 il y a vingt ans – les routes sont prises d’assaut, ce qui cause toute une série de désagréments.

Vu l’ampleur du problème, le président du Conseil d’Etat, Claudio Zali (Ligue des Tessinois), soutenu par l’autre conseiller d’Etat léguiste, Norman Gobbi, proposait un remède de cheval: geler la moitié des impôts prélevés sur les salaires des frontaliers italiens, soit quelque 25 millions de francs. Jusqu’à ce que les autorités de la Péninsule joignent les actes aux paroles.

La mesure drastique préconisée par Claudio Zali avait déjà été adoptée en 2011 par les léguistes Gobbi et Marco Borradori, et le démocrate-chrétien Paolo Beltraminelli. Le but des conseillers d’Etat était de sortir de l’impasse sur l’accord fiscal entre l’Italie et la Suisse. Selon Marco Borradori, la manière forte avait rencontré un certain succès. Mais pour permettre au gouvernement tessinois d’aller une nouvelle fois de l’avant avec la manière forte, il aurait fallu l’appui d’un troisième conseiller d’Etat.

«A cause de la négligence italienne»

Chef du groupe parlementaire de la Ligue des Tessinois, Daniele Caverzasio appuyait vivement la ligne du président du Conseil d’Etat. Notamment parce que sa région, le Mendrisiotto, sur un axe nord-sud «congestionné en permanence», souffre particulièrement du bruit et du smog. Il réclamait la promotion d’une mobilité alternative et de travaux publics urgents, comme la sécurisation de tronçons de montagne sujets aux éboulements. «Début avril, deux Suisses sont morts sous les roches dans la commune de Re, près de la frontière tessinoise, à cause de la négligence italienne», accuse-t-il.

«Populiste et peu stratégique»

Mais l’idée de geler les impôts des frontaliers déplaisait profondément à d’autres. Chef du PLR au parlement, Bixio Caprara considère la proposition de Claudio Zali populiste et très peu stratégique pour traiter avec un partenaire important, d’autant que la Lombardie vient à peine d’élire son nouveau président. «Ce manque de diplomatie aurait pu se retourner contre notre canton.» Sans compter que selon lui, si les accords entre le Tessin et les régions italiennes ne sont pas respectés, c’est à Berne d’en faire part à Rome.

Selon l’accord fiscal de 1974 entre les deux pays, chaque année la Suisse rétrocède 38,8% des impôts prélevés sur les salaires des travailleurs italiens du Tessin, des Grisons et du Valais à leurs communes de résidence. L’Italie s’était pour sa part engagée à investir 70% de ces montants dans des ouvrages transfrontaliers.