L’extradition de Cesare Battisti du Brésil la semaine dernière remet les anciens terroristes des «années de plomb» italiennes sur le devant de la scène. Le ministre de l’Intérieur italien, Matteo Salvini, a d’ailleurs promis d’aller les chercher «un par un». Ex-membre des Brigades rouges, l’Italo-Suisse Alvaro Baragiola (connu sous le nom de son père, Lojacono, avant de prendre celui de sa mère) qui s’est refait une vie en Suisse, se retrouve sous les feux des projecteurs.

Ces jours, la Ligue des Tessinois a fait savoir par voie de communiqué qu’elle «n’accepte pas que la Suisse continue à commettre le crime de complicité avec un terroriste» et demande à Berne de mettre fin à la «fuite» d’Alvaro Baragiola. Le parti exhorte Ignazio Cassis et Karin Keller Sutter, responsables des départements fédéraux des Affaires étrangères, et de Justice et Police, à «agir immédiatement pour que le terroriste Baragiola soit livré à l’Italie et purge toute sa peine pour les crimes commis».

Sur la liste des terroristes en fuite

Si en Suisse, il est un homme libre, pour les autorités italiennes, Alvaro Baragiola est condamné à la réclusion à perpétuité pour homicides et figure toujours (depuis 40 ans) sur la liste des terroristes qui ont fui à l’étranger. Le militant d’extrême gauche s’est réfugié au Brésil, puis au Tessin, à la fin des années 70, où il a obtenu un passeport suisse dans les années 80, grâce à la nationalité de sa mère, tessinoise.

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Recherché par les autorités italiennes, il a été arrêté en Suisse en 1988 où il a été condamné à dix-sept ans de prison pour sa participation au meurtre du juge Girolamo Tartaglione en 1978. Après avoir purgé onze ans de sa peine, il a été libéré pour «bonne conduite». Aujourd’hui, à 63 ans, il est «collaborateur administratif» à l’Université de Fribourg où l’on nous signale qu’aucun commentaire n’est fait sur les employés.

Contacté par Le Temps pour une réaction au communiqué de la Ligue des Tessinois, le porte-parole de l’Office fédéral de la justice, Raphael Frei, affirme que la Suisse n’expulse pas ses ressortissants. «La loi est claire à ce sujet, l’extradition d’un Suisse est exclue.» Quant au Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), n’étant pas compétent en matière d’extradition, il s’abstient de commentaire.

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Conseiller national léguiste, Lorenzo Quadri estime de son côté que si le droit suisse ne prévoit pas l’extradition de ses citoyens, cela peut être modifié. «Par exemple, une exception pourrait être faite pour les cas de crimes terroristes.» Un acte parlementaire allant dans ce sens sera présenté à Berne, indique-t-il.

«Propagande électorale»

Une proposition tout à fait valable, selon le président du PDC tessinois, Fiorenzo Dadò. «Suisse ou non, un individu ayant commis des crimes d’une telle gravité doit faire face à ses condamnations, même à l’étranger.» Le démocrate-chrétien s’indigne par ailleurs que Alvaro Baragiola ait travaillé à la RSI lorsqu’il vivait au Tessin et qu’il soit actuellement «au chaud» à l’Université de Fribourg.

Pour l’avocat tessinois Paolo Bernasconi, le parti tessinois s’acoquine avec la Ligue de Matteo Salvini. «La Lega fait de la propagande électorale, demandant aux autorités fédérales de violer la Constitution, en l’occurrence l’art. 25 qui stipule que les citoyens suisses ne peuvent être remis à une autorité étrangère que s’ils y consentent.»

Une déclaration de l'ex-terroriste

Quant à l'ex-terroriste, il a déclaré au portail d'information tessinois Tio.ch/20 minuti qu'il n'aurait «pas d'objection» à purger ses peines italiennes en Suisse si la Péninsule en faisait la demande aux autorités helvétiques.