L’inquiétude monte au Tessin
Frontières
Dimanche en fin d’après-midi, Rome a enfin confirmé que les quelque 68 000 Italiens travaillant au Tessin pourront entrer en Suisse. La Confédération prendra des mesures pour contrôler les flux à la frontière

Soupir de soulagement, du moins dans l’immédiat. Jusqu’en fin d’après-midi dimanche, on ne savait toujours pas si les près de 70 000 travailleurs frontaliers italiens pourraient se rendre au Tessin lundi matin. Le décret signé dans la nuit de samedi à dimanche par Giuseppe Conte, président du Conseil italien, imposant la «fermeture» de la Lombardie et de 14 autres provinces du nord de la Péninsule, a semé l’inquiétude du côté suisse de la frontière.
Le texte du décret, jugé ambigu de toutes parts, laissait une large marge à l’interprétation, provoquant la confusion. Peu après 16h dimanche, Rome a finalement annoncé que les travailleurs frontaliers qui n’avaient pas contracté le Covid-19 et qui n’étaient pas soumis à la quarantaine étaient autorisés à traverser la frontière pour aller travailler en Suisse, et que les marchandises pouvaient voyager.
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Contrôler les Italiens qui entrent en Suisse
Au Tessin, le gouvernement a tenu une conférence de presse en soirée dimanche. Président du Conseil d’Etat et directeur de l’Economie, Christian Vitta a fait savoir que les autorités fédérales, «avec qui son gouvernement est en contact constant», définiront dans les prochaines heures comment contrôler les Italiens qui entrent en Suisse.
«Des forces policières supplémentaires seront déployées pour surveiller le flux des travailleurs frontaliers, lesquels devront toujours avoir sur eux leur permis de travail», a-t-il indiqué, rappelant que les citoyens italiens ne peuvent plus venir au Tessin pour d’autres raisons que le travail. Le Conseil d’Etat tessinois demande par ailleurs aux entreprises d’encourager le télétravail et de limiter le nombre de travailleurs en provenance d’Italie au strict nécessaire.
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— Le Temps (@letemps) February 28, 2020
Près de 20% de la population tessinoise a plus de 65 ans
Le chef de la Santé, Raffaele De Rosa, et le médecin cantonal, Giorgio Merlani, ont quant à eux énuméré une série de mesures pour concentrer les énergies afin d’affronter le plus efficacement possible les priorités liées au coronavirus. «Le système sanitaire fonctionne bien pour le moment, mais il risque d’être mis à rude épreuve ces prochaines semaines, ces prochains mois», a souligné Raffaele De Rosa.
Dans le canton, où près de 20% de la population a plus de 65 ans, la crainte que la structure soit surchargée est bien réelle, à plus forte raison si ses effectifs sont réduits. Les secteurs sanitaire et parasanitaire (services à domicile et EMS) comptent 4700 travailleurs venant d’Italie. Dimanche à 14h, 58 personnes dans le canton avaient officiellement contracté le coronavirus. Le dominical Il Caffè indiquait que les autorités des hôpitaux cantonaux rappelaient déjà du personnel tessinois retraité et retenaient les employés devant partir en vacances.
«Demander au personnel indispensable de séjourner en Suisse»
Mais c’est tout un pan de l’économie tessinoise qui retient son souffle. Président de l’Association des industries tessinoises (AITI), le conseiller national PDC Fabio Regazzi déplore «les informations équivoques, le manque de clarté et le chaos qui a régné jusqu’à présent, tant du côté italien que suisse». Pour les secteurs qui dépendent des frontaliers, comme la santé, la restauration, l’hôtellerie, les services, l’industrie ou la construction, cette incertitude est un véritable venin, déplore-t-il.
Selon les développements de la situation sanitaire, tant en Suisse qu’en Italie, les entreprises tessinoises pourraient être soumises à une grande pression, observe Fabio Regazzi, ajoutant que, selon les secteurs et les entreprises, la crise serait supportable plus ou moins longtemps. «A terme, il pourrait y avoir des répercussions sur les travailleurs suisses aussi. Pour qui, en plus, souffre du franc fort, et a fortiori, pour qui dépend de la Chine, la situation pourrait devenir insoutenable.»
Vendredi déjà, l’AITI, dans un communiqué, invitait les entreprises tessinoises «à envisager la possibilité de demander au personnel italien stratégique, prioritaire et indispensable de séjourner pendant un certain temps sur le territoire suisse».