Aux dernières élections fédérales, la Ligue des Tessinois a reçu une claque. Le premier parti du canton a vu ses suffrages chuter à 16,9% (-4,8%) et a perdu l’un de ses deux sièges au Conseil national, celui de Roberta Pantani, au profit de Greta Gysin, la première Verte tessinoise élue à Berne. Après cette déconfiture, qui a suivi la perte de quatre sièges au parlement cantonal, en avril, la droite populiste se remet en question.

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Chef du groupe léguiste au Grand Conseil et membre de l’exécutif de Lugano, Michele Foletti relativise cependant la défaite. «Si l’on excepte les tout débuts, la Lega a toujours eu des résultats tournant autour des 17-18%, rappelle-t-il. Sauf en 2015, où nous avons cartonné avec 21,7% des voix.» En revanche, il reconnaît que la perte d’une députée fait mal, le siège ayant échappé d’un fil, de quelque 150 votes.

Le poids de la question écologique 

Comment l’élu explique-t-il ces résultats? «Nous avons peut-être été naïfs par rapport à la thématisation des problématiques écologiques, sur lesquelles nous travaillons pourtant depuis des années. Claudio Zali, un de nos deux conseillers d’Etat, chargé du Territoire, a fait toute une série de propositions en faveur de l’environnement ces dernières années. Il y a quelques semaines encore, il débloquait 460 millions pour renforcer les transports publics.» Le chef du groupe parlementaire de la Lega admet par ailleurs une autre faiblesse: «Nous n’avons pas su bien gérer le nouveau contexte des alliances politiques au Tessin, tant à gauche (Verts et Alternative de gauche) qu’au centre (PLR et PDC).»

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Le prochain objectif visé par le parti est les élections communales du 5 avril prochain. La Ligue des Tessinois a déjà annoncé qu’elle soumettrait avant Noël aux militants une nouvelle structure organisationnelle. «Jusqu’en 2013, Giuliano Bignasca était notre président à vie; il écoutait, réfléchissait et prenait une décision. Malheureusement, il est mort et nous nous rendons compte que pour coordonner nos activités, nous avons besoin d’une organisation différente.»

Du coup, quatre éminents léguistes ont été désignés pour remplacer le «régime des colonels» et plancher sur des propositions susceptibles de remettre le parti sur les rails. Il s’agit de Michele Foletti lui-même, du conseiller d’Etat Norman Gobbi, responsable des Institutions, Boris Bignasca, député au Grand Conseil et fils de Giuliano, Roberta Pantani, désormais ex-conseillère nationale et maire adjointe de Chiasso. «Une de nos priorités sera de mieux rejoindre la nouvelle génération d’électeurs, de les impliquer, les écouter davantage», affirme Michele Foletti.

Oscar Mazzoleni, professeur à l’Université de Lausanne (Unil) et politologue, perçoit dans cette coordination à quatre têtes la volonté des léguistes d’être plus efficaces, mais doute que cela suffise à renverser la tendance. Le déclin de la Lega, comme celui de l’UDC à l’échelle du pays, s’explique en partie parce que ces partis n’étaient pas en phase avec l’agenda national, estime-t-il. «Ils ont négligé les enjeux climatiques, se concentrant sur les relations avec l’Europe. Cette vision monothématique n’a pas été très mobilisatrice.»

L'influence des composantes transnationales

Les élections nationales sont de plus en plus influencées par des composantes transnationales, observe le politologue. «Je pense à l’accident de Fukushima en 2011, lorsque les Vert’libéraux ont fait partie des grands vainqueurs des élections cette année-là, ou à la crise migratoire en 2015, quand l’UDC a gagné onze sièges. En 2019, c’est l’urgence climatique qui a focalisé l’attention et, pour les partis qui n’ont pas assez tenu compte de ces évolutions, la compétition est devenue plus rude.»

A cela s’ajoutent des tensions internes et des problèmes liés à la relève et au leadership, tant pour l’UDC que pour la Lega. Chez cette dernière, Oscar Mazzoleni constate que le message est moins percutant que par le passé. Alors qu’elle est née comme mouvement de protestation, son intégration accrue aux institutions a affaibli l’aile contestataire. «Le malaise est évident depuis un moment. D’ailleurs, certains ténors, tel Boris Bignasca, regrettent la Lega pure et dure d’autrefois. En ce sens, l’échec du parti n’était pas inattendu.»

Cela dit, ce n’est pas parce que la droite populiste vit des difficultés que son destin est scellé une fois pour toutes, conclut Oscar Mazzoleni. «Certains de ses thèmes de prédilection, comme l’immigration ou les relations avec l’UE, vont revenir au centre de l’agenda national, notamment aux prochaines échéances référendaires.»