Justice
Condamnée en 2017 pour avoir fait entrer illégalement 24 migrants en Suisse, Lisa Bosia Mirra réclame son acquittement

Une peine d’un franc symbolique. C’est ce qu’a réclamé Lisa Bosia Mirra devant la Cour d’appel aujourd’hui à Locarno. Trois semaines après la confirmation de la sentence d’Anni Lanz en Valais pour violation de la loi fédérale sur les étrangers (LEtr), la travailleuse sociale et ancienne députée socialiste tessinoise fait appel contre sa condamnation qui l’a frappée il y a deux ans.
L’inertie des autorités italiennes
En 2017, Lisa Bosia Mirra, 46 ans, avait été condamné à une amende de 8800 francs, pour avoir fait entrer illégalement 24 migrants en Suisse. Mardi, lors de son procès en appel, la militante tessinoise est revenue, la voix tremblante d’émotion, sur la crise migratoire de 2016. En réponse aux questions de la juge Giovanna Roggero-Will, elle a décrit comment les jeunes refoulés à la frontière suisse vivaient dans le parc devant la gare de Côme et souligné l’inertie des autorités italiennes. «Ils se lavaient et faisaient leurs besoins dans les toilettes de la gare, a-t-elle expliqué. Ils dormaient par terre, et l’eau pour boire et nettoyer les vêtements provenait d’une petite fontaine.»
Elle a cité quelques cas spécifiques de migrants qui avaient traversé le Sahara à pied, avant d’être incarcérés et torturés en Libye, dont elle a facilité la réunification avec des parents en Allemagne. Elle assure avoir fourni de l’aide «aux personnes que je jugeais comme étant les plus vulnérables, afin de les soustraire à l’extrême précarité du site de Côme, pour qu’ils rejoignent des membres de leur famille et se retrouvent dans un lieu sûr».
«Ce n’est pas ainsi qu’on aide les migrants»
S’exprimant à son tour, la procureure Margherita Lanzillo a réitéré la justesse du décret d’accusation et la peine qu’elle a émis en avril 2017, confirmés par le Tribunal de Bellinzone en septembre 2017, lequel «tient compte des valeurs humanistes qui ont motivé Lisa Bosia Mirra». La solidarité ne peut cependant pas primer sur la justice, a-t-elle fait valoir, ajoutant que l’inculpée a commis des illégalités en connaissance de cause, de surcroît en faisant courir des risques aux migrants.
«Elle n’avait aucune certitude quant au sort de ceux-ci une fois en Allemagne, sur un territoire inconnu, sans le sou, ne parlant pas la langue. Elle ne savait pas si leurs prétendus parents n’étaient pas des gens qui les exploiteraient. Ce n’est pas ainsi qu’on aide les migrants, elle aurait pu leur manifester sa solidarité autrement, de façon légale.»
«Le droit international prévaut»
Avocat de la défense, Pascale Delprete a quant à lui réaffirmé que les faits reprochés ne sont pas contestés. La légitimité de la loi fédérale sur les étrangers n’est pas mise en cause, mais l’interprétation du droit international, supérieur, prévaut, a-t-il plaidé. «Selon les Accords de Schengen, les frontières sont celles qui délimitent l’espace éponyme, et la traversée sans papiers d’identité des frontières internes, comme celles entre la Suisse et l’Italie ou l’Allemagne, selon plusieurs juristes éminents, ne constitue pas un délit.» Le verdict de la Cour d’appel sera connu prochainement.
Présent dans la salle, Bruno Bergomi, de l'Observatoire juridique au Tessin, souligne que ce procès représente un cas unique dans le canton. «Si la peine est ne serait-ce qu'atténuée, ce serait un signal symbolique fort», estime-t-il. Egalement sur place, Sarah Rusconi d'Amnesty International qui suit le dossier depuis ses débuts, considère qu'il s'agit d'un autre exemple de «criminalisation de la solidarité». «Tout comme Anni Lanz, Lisa n'est pas une passeuse, elle a agi par solidarité, sans en tirer aucun profit.»