Le Tessin est le canton le plus «vieux» du pays. A cause de ses jeunes qui vont étudier ou travailler au nord des Alpes, l’immigration de retraités suisses et étrangers et un taux de natalité parmi les plus faibles du pays. Les plus de 65 ans représentent plus de 22% de sa population (en Suisse, ils sont 18%) et, en 2040, ils seront environ le tiers. Si le départ à la retraite des baby-boomers est un défi démographique bien réel partout en Suisse, il sera plus titanesque encore au sud des Alpes. Comment les autorités et les experts appréhendent-ils cette transition?

Equilibre à trouver

Pour Francesco Branca, chef de l’Office cantonal des personnes âgées, le grand défi sera d’équilibrer quantité et qualité des prestations socio-sanitaires selon les besoins. Et de rendre l’équation soutenable financièrement. Innovation et flexibilité sont à l’ordre du jour. Par exemple, le canton travaille à la mise en réseau de ses 67 EMS. «Pour créer une économie d’échelle et gagner en efficacité, sans que les coûts augmentent.»

La stratégie cantonale consiste à mettre l’accent sur les soins à domicile, explique Francesco Branca; faire en sorte que seul quelqu'un qui en a vraiment besoin soit placé en EMS. Parallèlement, le canton développe un secteur intermédiaire à mi-chemin entre les soins à domicile et les homes, qui inclut notamment les transports, la préparation des repas, des consultations médicales. A plusieurs égards, le Tessin est pionnier dans la création de ce «troisième secteur».

Développer les soins à domicile

«Nous soutenons par exemple les aides à domicile, à l’heure ou à temps plein, qui peuvent passer la nuit chez la personne âgée, ce qui est rare en Suisse.» Ou encore, l’Etat offre une contribution pour aider à maintenir une personne chez elle par l’adaptation de son environnement: en transformant une baignoire en douche, en posant un monte-escalier, etc.

Sociologue et responsable du Centre de compétences sur les personnes âgées de la HES de la Suisse italienne (Supsi), Stefano Cavalli soutient que l’un des défis majeurs sera néanmoins d’assurer assez de places dans les EMS. «Leur nombre est actuellement insuffisant, on peine à répondre à la demande.»

Les nombreuses activités offertes aux plus de 65 ans contribuent significativement à leur bien-être

Les soins à domicile sont très développés au Tessin mais, avec l’avancement de l'âge, l’état physique et psychologique des aînés se détériore et parfois le placement en home s’impose. Il souligne que les femmes sont davantage vulnérables. «Elles vivent plus longtemps, mais avec plus de problèmes de santé, moins de ressources économiques et souvent seules, même si elles entretiennent plus de relations que les hommes.»

Le potentiel de la «silver economy»

Directeur de l’Association tessinoise du 3e âge (ATTA), Gian Luca Casella fait valoir que l’Etat a une bonne vision à long terme pour combattre l’isolement et maintenir les personnes autonomes le plus longtemps possible. Le canton dispose de plusieurs dizaines de centres de jour; récréatifs, socio-sanitaires et sociothérapeutiques. «Les nombreuses activités offertes aux plus de 65 ans contribuent significativement à leur bien-être, sur le plan tant physique que psychologique et social.»

Les jeunes retraités en forme et financièrement à l’aise – constituant la «silver economy» – représentent par ailleurs de belles opportunités d’affaires, selon Jérôme Cosandey, directeur de recherche et spécialiste du «contrat entre générations» chez Avenir Suisse. «Notamment dans le tourisme et les services financiers – deux piliers de l’économie cantonale – ou encore les loisirs wellness», énumère-t-il. Pour lui, le pari à gagner pour le Tessin est de se rendre attractif envers les travailleurs.

Migrants et frontaliers comme population active?

Entre 2015 et 2035, sa population active augmentera de 5% (contre 8% pour la Suisse), alors que le nombre de retraités fera un bond de 61% (60% dans le pays). «Le risque est que le personnel assurant les services dont a besoin la population vieillissante vienne à manquer. Les employeurs doivent offrir de bonnes conditions et de la flexibilité pour réduire la pénurie de main-d’œuvre.»

Pour pallier le manque de travailleurs, l’économiste estime que les femmes et les employés seniors représentent un potentiel insuffisamment exploité. Les Tessinoises travaillent moins souvent que les Suissesses; 53% occupent un emploi, contre 63% en moyenne. «La raison est probablement culturelle, puisque les structures favorisant la conciliation famille-travail sont plutôt bien développées en comparaison nationale.» Il ajoute que les migrants et frontaliers italiens pourraient aussi contribuer à combler le manque de personnel.