Concurrence
Des acteurs de la santé revendiquent qu’entreprises publiques et privées soient logées à la même enseigne

Au Tessin, les entreprises de soins à domicile se multiplient «comme des champignons, faisant grimper les coûts de l’assurance maladie». De quoi excéder ceux qui, comme Raoul Ghisletta, secrétaire cantonal du Syndicat des services publics (SSP), réclament davantage de régulation. «Dans la santé, l’offre influence la demande», relève celui qui est le premier signataire d’un projet d’initiative demandant la modification de la loi fédérale sur l’assurance maladie (LAMal).
«L’idée est de réguler le secteur ambulatoire au même titre que celui des soins stationnaires et que les cantons qui le souhaitent puissent définir le nombre de services actifs par contrats de prestation, afin de contenir l’offre dans le privé, en plein essor et très lucratif.» Il s’agirait aussi d’assurer de la part des caisses maladie un meilleur contrôle du bien-fondé des prestations à domicile qui leur sont facturées.
«Le secteur privé plus cher»
Directeur de l’Association pour les soins à domicile de la région de Bellinzone, Roberto Mora relève que le Tessin compte un nombre de prestataires de services élevé par rapport aux autres cantons. Le secteur privé représente plus de 40% de ces prestations, contre 20-25% en Suisse. Sans être contre la concurrence, il la voudrait loyale. Le secteur public est soumis à une convention collective de travail, alors que la majorité des sociétés privées n’y souscrivent pas, fait-il valoir. Un exemple: «L’interdiction légale de travailler plus de six jours d’affilée n’est pas respectée par tous les services commerciaux.»
La situation est particulièrement alarmante au Tessin, observe-t-il, «probablement à cause de la main-d’œuvre frontalière». Mais il estime que tous les cantons pourraient profiter du tour de vis préconisé. «Dans tous le pays, les services privés, plus chers, facturent presque deux fois plus d’heures que les publics, assure-t-il. Cantons et communes assument les coûts résiduels des soins à domicile, une charge importante et croissante, sans qu’ils aient d’instrument valable pour les contrôler.»
Les avantages pour les clients
«Imposer plus de règles n’a pas de sens», rétorque Markus Reck, membre de la direction de l’Association Spitex privée Suisse (ASPS), faîtière des soins à domicile privés. «Les clients n’y gagneraient rien. Le marché se régule lui-même sainement, les dispositions en vigueur étant déjà très détaillées.»
Les prestataires de soins à domicile privés sont particulièrement nombreux au Tessin, c’est vrai. «Mais c’est aux autorités cantonales de s’assurer que ces sociétés répondent aux exigences. Ensuite, le marché opère une sélection.» Markus Reck entend régulièrement des critiques sur la surconsommation attribuée aux services privés. Mais si ceux-ci facturent deux fois plus d’heures que leurs homologues publics, il a une explication. D’une part, les organisations publiques doivent répondre à toutes les demandes, «y compris les missions très courtes comme une piqûre dans une vallée lointaine. Les privés, qui ne sont pas subventionnés, se concentrent sur les missions plus longues.»
Les acteurs privés auraient selon lui un autre avantage: le moindre roulement du personnel, «souvent continuel dans le secteur public. Nombre de clients préfèrent avoir toujours affaire au même soignant, donc ils font appel au privé. Cela se traduit en un nombre d’heures facturées plus important.»
Aide et soins à domicile Suisse, qui représente les services à but non lucratif, reconnaît que les coûts de l’aide et soins à domicile augmentent chaque année. «Cependant, le montant total de ces soins ambulatoires représente 3% des coûts de la santé. En conséquence, ils ne peuvent pas être considérés comme un grand facteur de dépense», relève Francesca Heiniger, en charge de la communication.
Santésuisse, la faîtière des assurances maladie, fait valoir qu’il est certes dans l’intérêt des caisses maladie d’éviter la surconsommation et que seules les prestations appropriées soient facturées. «Mais il est trop tôt pour dire si cette initiative tessinoise est vraiment nécessaire, note le porte-parole Manuel Ackermann. Les contrôles des assurances maladie sur la base de la législation actuelle constituent déjà des garde-fous efficaces pour limiter les abus.»