ÉDITORIAL. A une quasi-unanimité, le comité directeur du PLR genevois a exclu le conseiller d’Etat Pierre Maudet, qui refuse de démissionner. Cette affaire éclabousse tout le monde politique et ternit l’image de Genève à Berne

Quelle chute! Pierre Maudet se rêvait conseiller fédéral. Son parti cantonal, également. Tout un canton piaffait d’impatience après le départ de Micheline Calmy-Rey.
Surdoué de la politique, le Genevois brûlait les étapes. En 2005 déjà, Pascal Couchepin le plaçait à la tête de la Commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse.
Partout des louanges. Impatient, il s’est lancé dans la course à 39 ans pour succéder à Didier Burkhalter. Très vite, l’homme a détonné à Berne. Entouré d’une garde rapprochée très combative, Pierre Maudet cassait les codes. Il surgissait à tout moment aux alentours du Palais fédéral. Multipliait les interviews dans les médias et réussissait l’exploit de se faire un nom en Suisse alémanique. Devenant même chroniqueur dans le Blick.
Lire aussi: Le PLR genevois bannit Pierre Maudet de ses rangs
Pire que l’affaire Kopp
Les 90 parlementaires qui ont voté pour lui, le préférant à Ignazio Cassis, sont aujourd’hui soulagés de ne pas avoir été suivis par la majorité. Son élection au Conseil fédéral aurait déclenché, à la suite des révélations concernant son voyage à Abu Dhabi, une crise politique de l’ampleur de celle d’Elisabeth Kopp. Peut-être même plus grave.
Lire également: Quand Pierre Maudet joue les martyrs et dénonce un procès politique
Son ascension fulgurante et sa notoriété expliquent pourquoi son affaire a pris une dimension nationale, a dépassé une simple Genferei et est devenue très inquiétante pour le PLR suisse. Sa cheffe, Petra Gössi, a très vite compris que la crédibilité de son parti et la confiance dans le système politique étaient en jeu. Dès septembre 2018, elle a donc lâché Pierre Maudet. Deux mois plus tard, elle l’appelait à démissionner. Sa position a surpris, car habituellement les présidents suisses se refusent à intervenir officiellement dans des crises cantonales. Elle a eu raison et a limité les dégâts: la preuve, son parti n’a pas trop souffert de l’affaire Maudet lors des élections fédérales… sauf à Genève, bien sûr, où il a perdu un siège au National et a largement échoué à reconquérir un fauteuil de sénateur.
Lire encore: A Genève, la classe politique réagit à l’exclusion de Pierre Maudet
Tout de même, cette affaire fait mal au monde politique, elle le discrédite. Comment un homme aussi brillant peut-il s’enfermer sur lui-même, croire seul qu’il a raison au détriment de son parti et de son canton.
A Berne, cette affaire fragilise Genève, que ce soit au parlement, dans les discussions avec les autorités fédérales où lors des Conférences des gouvernements cantonaux. Le bout du lac est la risée de la Suisse, comme l’a été il y a quelques années le canton de Neuchâtel avec les affaires Hainard et Perrin.
La décision prise par le PLR genevois peut améliorer quelque peu cette image… mais ça ne suffira pas tant que Pierre Maudet s’accrochera à son fauteuil, au mépris de l’intérêt collectif.
Vos contributions
connexion créer un compte gratuit
Il y a 6 mois
NON JE NE SUIS PAS D'ACCORD avec cet article. La présomption d'innocence existe dans la loi tant qu'un prévenu n'est pas condamné. Mais dans les faits, lorsque que quelqu'un est décrié dans la presse, il est considéré comme coupable. Et vous, éminent journal auquel je suis abonné vous amplifiez cette tendance populiste et manquez de jugement.
Quelque soit les actions de P. Maudet, tant qu'il n'a pas été jugé et condamné, nous devons et vous la presse devez appliquer cette présomption d'innocence.
Il y a 6 mois
In reply to (sans sujet) by ANDRE DUTRUIT
Dans mon commentaire, je ne me suis absolument pas prononcé sur la culpabilité de Pierre Maudet, c'est la justice qui le fera. J'ai parlé des dégâts d'image pour son parti, et pour Genève, que toute cette affaire génère. Nous ne faisons que relater les faits. Et les derniers faits sont la décision du comité directeur du PLR genevois de l'exclure du parti.
Il y a 6 mois
L'élection d'un politicien est par définition basée sur une image tronquée, édulcorée, parfois créée artificiellement par des équipes de campagne et des partis politiques gourmands. Ne soyons pas naïfs... Maudet a beaucoup basé son élection sur une rigueur et une exemplarité à toute épreuve; sa légitimité à droite, au centre, et parfois même à gauche était donc due à sa probité affichée et sa capacité à mobiliser même des électeurs hors de son parti. Comment imaginer, dès lors que cette image est brisée par des actions avérées - même si ces dernières ne sont pas encore jugées illégales et ne le seront peut-être jamais - que la légitimité de Pierre Maudet ne soit pas elle-même brisée? La population a besoin de faire confiance à ceux qui la dirigent. Quand la confiance est rompue pour X ou Y raison, on ne peut pas gouverner, c'est aussi simple que cela. C'est du pragmatisme que l'ancien - celui dont l'image lui avait valu l'élection - Pierre Maudet avait compris et que le nouveau P.M. - celui qui ne pense qu'à sa pomme et non à la République - semble avoir très rapidement oublié.
Il y a 6 mois
Une pensée pour les 30 employés du Canton sacrifiés qui doivent répondre aux demandes quotidiennes afin de faire briller ce magistrat dont le sens du management se résume à écraser et à manquer de respect dans une ambiance délétère
Il y a 6 mois
Un homme public ne peut se contenter d'être innocent, il doit être insoupçonnable. Une nuance qui semble échapper à Monsieur Maudet.
Il y a 6 mois
Dans cas de Monsieur Maudet il ne s'agit pas de savoir s'il sera considéré comme coupable ou non coupable mais de constater qu'il n'a cesser de mentir durant toute l'enquête. comment peut-on encore faire confiance à ce Monsieur?
Il y a 6 mois
Il ne s'agit pas de commenter la gravité des faits selon la justice, qui a jugé bon de renvoyer Maudet devant un Tribunal. Il s'agit de relever la rupture totale de la doctrine du "rapport de confiance". Indépendamment du jugement du Tribunal, le lien de confiance, vital dans l'interaction entre un élu et la population est rompue et totalement détruite. Il en va de même pour les institutions de l'Etat qui ne prennent pas publiquement position sur ce scandale. Ils peuvent être pointés du doigt pour faire preuve soit de complaisance, soit de manque de courage politique. Coupable ou pas, passera inaperçu aux yeux des électeurs, tout comme jouer sur la notion de présomption d'innocence qui laisse indifférent vu les dégâts d'image déjà provoqués.
Il y a 6 mois
Le Lièvre et les Statuts
Rien ne sert de courir, il faut partir à point.
Le Lièvre évite des Statuts les lacustres rivages.
Gageons, dirent ceux-ci, que vous ne gagnerez point
Sitôt que nous la dispute. - Sitôt ? Mais partout mon visage
Hante déjà notre média-paysage, repartit l'animal léger.
Mes commères, il vous faut me charger
Mais toute ombre qui m'accuse
Aussitôt d'un rebond je récuse.
Savoir quoi, ce n'est pas l'affaire,
Ni de combien de juges s'y affairent.
Notre lièvre n'avait qu'un pas vers la sortie
Mais craignit de glisser dans les orties,
Ayant du temps de reste pour brouter
Pour dormir au lieu d'écouter
D'où viennent les vents, il délaisse les Statuts
Aller leur entrain de Sénateurs.
Ils comparent, ils s'évertuent ;
Ils se hâtent avec lenteur.
Lui, cependant méprise un tel inquisitoire,
Retient les heures à peu de moratoire,
Croit qu'il y va de son honneur
De sortir tard. Il déboute, il s'oppose,
Il devient la muse de toutes ces causes
Qu'à la gagne-heure. Au matin quand il vit
Que les autres touchaient presque au bout de sa carrière,
Il s'en départit, distrait, mais les appels qu'il fit
Furent vains : les Statues arrivèrent les premières.
Eh bien ! leur cria-t-il, n'ai-je plus encore de nouvelle saison ?
Les Statuts lui répondirent : De quoi vous sert votre altesse ?
Nous l'emporter ! Et que serait-ce
Si vous portiez une tradition ?
Il y a 6 mois
Laissons la justice se prononcer. L'affaire Maudet risque de créer des frustrées après que le verdict soit prononcé. Quelle serait l'attitude des proches politiques si on l'acquitait! Attendons donc la décision définitive au pénal!
Il y a 6 mois
OUI JE SUIS D'ACCORD avec cet article. Certes, Monsieur Maudet est présumé innocent des charges judiciaires qui sont instruites. Mais il n'y a pas de doute qu'il a menti, qu'il a essayé de le cacher et que la balance entre ses intérêts personnels et ceux de la politique au sens noble penche clairement
Il y a 6 mois
Kopp, Hainard, Perrin, Maudet : c'est souvent les interrogations de la presse, et non les accusations qui mettent la justice en route. Merci à nos journalistes qui, malgré les pressions qu'ils subissent, directes, économiques, réussissent à nous livrer quelques parts de vérité.