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Trafic de coltan: la justice suisse blanchit une commerçante congolaise

Une enquête ouverte contre Aziza Kulsum et son partenaire belge devrait être classée. Des millions de francs restent bloqués en Suisse.

Une enquête suisse concernant un possible trafic de coltan, un minerai utilisé notamment dans la fabrication de téléphones portables, devrait être prochainement classée. Ouverte en septembre 2002 par le Ministère public de la Confédération (MPC), cette procédure pour «blanchiment d'argent» n'a «pas permis de confirmer les soupçons initiaux», a expliqué au Temps Andrea Sadecky, porte-parole du MPC.

L'enquête visait Aziza Kulsum, une commerçante basée à Bukavu, dans l'est de la République démocratique du Congo, ainsi que trois de ses proches et un homme d'affaires belge qui achetait le minerai venu d'Afrique. Ils étaient accusés par les autorités belges d'avoir commercialisé illicitement le coltan extrait dans des zones contrôlées par un mouvement rebelle soutenu par le Rwanda, le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD). De source proche du MPC, on indique que l'enquête suisse n'a pas permis de démontrer le caractère illégal du commerce d'Aziza Kulsum et de ses associés. La procédure d'entraide se poursuit et pourrait aboutir à la remise à la Belgique de documents bancaires concernant ces transactions.

Un million de dollars par mois pour financer le RCD

Selon le Parquet de Bruxelles, les profits issus de l'exploitation du coltan ont transité par «une grande banque suisse» et ont servi à financer le RCD à hauteur de un million de dollars par mois, alimentant ainsi le conflit meurtrier entre rebelles et forces gouvernementales en République démocratique du Congo. Sur demande de la Belgique, quelque 13 millions de francs appartenant à l'homme d'affaires ont été bloqués en Suisse, et des sommes beaucoup plus importantes auraient transité par les comptes suisses d'Aziza Kulsum. En 2000 et 2001, alors que les prix du coltan s'envolaient sur les marchés internationaux, celle-ci avait reçu du RCD le monopole de l'exploitation du précieux minerai dans l'est du Congo. Selon l'avocat de l'homme d'affaires, Michel Halpérin, le droit international autorise les sociétés minières à traiter avec les rébellions lorsque celles-ci exercent le pouvoir effectif dans une région.

D'abord active dans le commerce de tabac, Aziza Kulsum, alias «Madame Gulamali», a toujours su se concilier les pouvoirs en place: selon un émigré congolais qui la connaît, elle a marié l'une de ses filles à un ministre du maréchal Mobutu, puis une autre à un haut responsable du RCD, pour sceller son alliance avec le mouvement rebelle. «On l'appelait maman», se souvient cet exilé qui la décrit comme «très gentille, très généreuse»: «Elle invitait les gens à des banquets, offrait des voitures et de l'essence, afin de ne pas avoir de problèmes pour ses exportations.»

Dans un rapport daté d'avril 2001, une commission d'experts de l'ONU affirmait qu'Aziza Kulsum contrôlait pratiquement tous les cadres du RCD et qu'elle avait dans le passé fourni des armes à la rébellion hutue du Burundi. Mais, selon son avocat suisse, Laurent Moreillon, une enquête judiciaire menée en République démocratique du Congo a depuis conclu qu'Aziza Kulsum n'avait commis «aucune infraction».

Modification du 13 mai 2020:  le nom de l'homme d'affaires impliqué a été supprimé de cet article