Vincent Ducrot, le patron des CFF, en est persuadé: «Après quelques jours, les clients se seront habitués au port du masque», a-t-il déclaré jeudi en présentant le plan de protection qui sera valable pour tous les transports publics de Suisse dès le 11 mai. Conformément à ce qui prévaut dans les autres domaines de la vie publique, le port d’un tissu de protection faciale ne sera pas obligatoire dans les trains, les trams, les bus ou les métros. Mais il sera «vivement recommandé», notamment par le biais d’une large campagne d’information.

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Le plan de protection des transports repose sur plusieurs règles: respecter la distance minimale de 2 mètres, se laver régulièrement les mains, renoncer aux déplacements inutiles, éviter les heures de pointe, acheter les billets par voie numérique ou aux automates, renforcer le nettoyage des gares et des véhicules. Des distributeurs de désinfectant seront installés sur les lieux de passage les plus fréquentés et les WC payants de sept grandes gares, dont Lausanne et Genève, seront gratuits à partir du 11 mai.

Stigmatisés

Le port du masque sera exigé des contrôleurs, car il leur sera difficile de se tenir à 2 mètres des voyageurs. Ces derniers ne seront invités à se protéger le visage que si la distance de 2 mètres entre deux personnes ne peut être respectée, que cela soit dans un véhicule ou sur un quai. Ils devront se procurer leurs masques eux-mêmes. Les CFF font appel au sens civique des citoyens, qui, jusqu’à maintenant, ont plutôt bien respecté les injonctions de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). C’est aussi la position du Syndicat du personnel des transports (SEV). «Nous appelons les usagers à faire preuve de bon sens et de solidarité vis-à-vis du personnel», plaide son vice-président, Christian Fankhauser.

Directeur de la compagnie régionale MBC (Morges-Bière-Cossonay), François Gatabin invite lui aussi ses clients à faire «preuve d’autodiscipline. Je pense d’ailleurs que ceux qui ne porteront pas de masque se sentiront stigmatisés», déclare-t-il au Temps. Si une situation conflictuelle surgit entre les passagers, les agents de train ne seront pas là pour faire la police. C’est écrit noir sur blanc dans le plan de protection. «Notre personnel conseillera les voyageurs et les invitera à porter le masque si la situation l’exige. Mais il ne sera pas là pour faire sortir quelqu’un d’un bus. Et l’on ne va pas appeler la police pour un masque», reprend François Gatabin.

Plusieurs questions ouvertes

Le Vaudois est satisfait de voir ce plan se concrétiser enfin, mais celui-ci «laisse aux entreprises une grande marge de manœuvre. Beaucoup de choses reposent sur nous. C’est une grande responsabilité, notamment en matière de ressources», relève-t-il. Le plan de protection reste en effet vague sur de nombreux points.

Il ne dit pas ce qu’est une heure de pointe. Vincent Ducrot estime que ce n’est pas nécessaire. Comme le critère de base est la distance de 2 mètres, c’est le taux d’occupation et la possibilité de répartir les voyageurs dans un train ou un bus qui seront déterminants. Le plan n’évoque pas non plus l’élimination des masques usagés. Plusieurs compagnies ont réduit le nombre et la taille de leurs poubelles. Que se passera-t-il si les usagers les abandonnent sur une banquette ou un banc comme certains le font avec les journaux gratuits?

«Une hausse des fréquentations»

Ces recommandations entreront en vigueur le jour où la cadence habituelle sera rétablie sur la plupart des lignes. Il est encore difficile de dire quelle sera l’affluence le 11 mai. «Nous avons déjà constaté une hausse de la fréquentation dans les agglomérations après la reprise partielle des activités le 27 avril», note Vincent Ducrot. La réouverture des écoles accroîtra la présence des élèves, qui ne seront pas non plus obligés de porter un masque, dans les transports publics.

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Mais qu’en sera-t-il ailleurs? Le télétravail retiendra sans doute encore de nombreuses personnes à domicile. Et il faudra restaurer la confiance. Auteur d’une analyse sur le sujet, Sylvain Guillaume-Gentil, directeur du bureau d’ingénieurs Transitec, estime que «la distanciation sociale aura un impact très fort et très dur sur l’usage des transports publics et de l’espace public».