Le Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs a reçu des centaines d’appels suite à la sollicitation lancée en mars: «Restez à la maison.» «Les personnes étaient affolées, confuses, se souvient-elle. Et nous n’étions pas en mesure de les rassurer convenablement.» Parmi leurs inquiétudes figure le maintien de leur activité, de leur salaire, de leur santé et de leur permis de séjour. «Les nounous, auxiliaires de vie ou femmes de ménage ne peuvent tout simplement pas travailler chez elle, rappelle-t-elle. En allant au domicile et une fois sur place, elles ne sont pas équipées pour se protéger et protéger leur employeur. Elles ne peuvent pas non plus respecter une distance de sécurité.»
Méconnaissance du droit du travail
Ce secteur emploie jusqu’à 10 000 personnes déclarées dans le canton de Genève et plus de 6000 dans le canton de Vaud. Des employeurs ont indiqué ne plus faire appel à leurs services, car ils télétravaillent et peuvent s’occuper de leur domicile et de leurs enfants ou bien par peur d’être contaminés. «Si la personne est disposée à travailler et que c’est l’employeur qui refuse sa venue, il doit tout de même la rémunérer. C’est une obligation, souligne Clotilde Fischer, responsable du projet Chèques-emploi de l’EPER. Seulement, des employeurs ne connaissent pas le droit du travail et les employées n’osent pas demander leur salaire par crainte de ne plus être contactées une fois la crise passée.»
Une peur d’autant plus partagée par les travailleuses sans papiers ou dans l’attente d’un renouvellement de leur permis de séjour. «Celles-ci n’osent pas faire appel aux aides sociales bien qu’elles se retrouvent dans une situation extrêmement précaire, car l’indépendance financière est un critère important pour que leur demande puisse aboutir», ajoute Mirella Falco.
Les problèmes s’accumulent. «Et comme il n’y a pas eu rupture de contrat, il est très difficile même pour celles qui sont déclarées d’avoir droit à des aides pour perte de gain ou à des indemnités de chômage», observe Rémy Kammermann, juriste au CSP Genève. Pour informer les employeurs sur leurs obligations, il a rédigé une notice explicative. «Si des employeurs agissent convenablement, certains ne sont plus en mesure de payer et d’autres préfèrent fermer les yeux, regrette-t-il. Les employés, eux, s’endettent et sont de plus en plus nombreux à souscrire aux colis du cœur pour pouvoir manger.»
Pallier les problèmes à venir
«Et cela ne fait qu’un mois!» poursuit Mirella Falco. C’est pourquoi le SIT a décidé d’interpeller le Conseil d’Etat genevois sur les conditions de travail de ces employés en envoyant un courrier, ce 2 avril, assorti de dix revendications, dont la mise en place d’une allocation temporaire cantonale forfaitaire garantissant un revenu minimal. Une initiative suivie le 15 avril par 30 organisations vaudoises afin que le chômage partiel et l’accès aux APG soient octroyés à tous les travailleurs et sans-papiers.
Pour pallier les problèmes à venir, il est urgent selon le SIT que ces métiers de soins et d’assistance à des personnes dépendantes soient reconnus comme essentiels pour la collectivité. «Et interdire de ce fait les tâches qui ne le sont pas comme le repassage», complète-t-elle. Le SIT demande aussi à l’Etat du matériel de protection, des places en crèches ou écoles pour leurs enfants et la mise à disposition de chambres d’hôtel vacantes. «Des employés sont mis à la porte, car ils étaient en colocation avec une personne fragile et ont poursuivi leur activité, pointe-t-elle. Garantir l’accès aux soins médicaux à tous, y compris sans papiers, est également essentiel dans cette situation.»
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Ces deux courriers n’ont pas encore reçu de réponses. Le Conseil d’Etat genevois précise au Temps être «particulièrement sensible à la situation des travailleurs les plus vulnérables» et s’apprête à mettre sur pied un groupe de travail pour élaborer des solutions. Au parlement, des interventions se préparent sur ce sujet.