Les Verts ont gagné les dernières élections fédérales en raflant près d’un quart des électeurs du Parti socialiste (PS). C’est une des conclusions de l’étude Selects – fondée sur plusieurs enquêtes auprès de milliers de citoyens et candidats –, mais ce n’est pas la plus intéressante. Cette échéance a aussi été marquée par la victoire des femmes, qui n’est pas due, contrairement à toute attente, à une mobilisation de l’électorat féminin, mais davantage à une sensibilisation plus forte de l’ensemble des votantes et votants en faveur de la cause de l’égalité.

C’est la mauvaise nouvelle de l’étude. Alors que le nombre de candidates a atteint un niveau record, l’écart de la participation entre les hommes (49%) et les femmes (41%) ne s’est pas réduit. Au contraire: il affiche même une légère progression de 1% depuis 2011.

La participation «décevante» des femmes

«C’est décevant», ne cache pas la conseillère nationale Marie-France Roth Pasquier (PDC/FR), qui ne peut que faire des suppositions à l’heure d’expliquer ce phénomène. «L’introduction du suffrage féminin remonte à 1971, autant dire qu’il n’a pas une longue histoire en Suisse. Il y a encore une génération d’aînées qui ne vont pas voter», relève-t-elle. La sénatrice Lisa Mazzone (Les Verts/GE) ajoute que ce problème mériterait une étude approfondie. «Plus il y aura de femmes en politique, plus les femmes se sentiront concernées pour aller voter. C’est un cercle vertueux.»

Cet échec à mobiliser l’électorat féminin n’a cependant pas porté à conséquence. Les femmes ont malgré tout figuré parmi les grandes gagnantes des élections, cela en décrochant 42% des sièges au Conseil national et 26% au Conseil des Etats: «Un pic historique a été atteint», note l’étude. Bien sûr, les femmes, pour 80% d’entre elles, ont largement voté pour des candidates. La nouveauté, c’est que les hommes leur font aussi confiance. A la question de savoir s’ils donneraient la préférence à une femme entre deux candidats aux qualifications semblables, ils répondent oui à 54%, contre seulement 45% voici quatre ans.

«Voilà une excellente nouvelle, qui montre que les femmes sont désormais aussi crédibles que les hommes en politique, alors que nous avons longtemps été considérées comme des hystériques émotionnelles», se réjouit Isabelle Chevalley (Vert’libéraux/VD). «C’est le signe que l’électorat veut se diriger vers la parité», renchérit le chef du groupe socialiste Roger Nordmann.

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Le soutien massif des jeunes

Les jeunes générations plébiscitent désormais les femmes. Les 18-24 ans sont prêts à voter pour une candidate à 77%, un taux en progression de 26% en quatre ans! On décèle cette même tendance à donner un bonus aux femmes dans tous les partis, avec tout de même deux exceptions: le PLR est le seul parti où ce taux recule légèrement (de 60% à 58%). Quant à l’UDC, elle reste indifférente à cette question, seuls 37% de son électorat se révélant prêt à favoriser une femme. «Ce n’est pas nouveau: la représentation des femmes reste un problème dans les partis de droite», relève Lisa Mazzone.

Pour la nouvelle présidente des femmes PLR, l’heure des remises en question a sonné. «Bien évidemment, je ne peux pas être satisfaite de ce résultat. J’y vois là une incitation à mieux prendre en compte les préoccupations spécifiques des femmes», réagit Susanne Vincenz-Stauffacher (PLR/SG). Cette avocate qui a longtemps présidé un réseau d’aide aux femmes à Saint-Gall se veut optimiste: «La gauche n’a pas le monopole des questions de l’égalité», insiste-t-elle. «Nous allons tout faire pour améliorer encore la conciliation des vies professionnelle et familiale, valoriser les temps partiels, réaliser l’égalité salariale et réduire les désavantages des femmes au moment de la retraite», promet-elle.

UDC: «Non à la morale féministe»

Du côté de l’UDC, le président du parti cantonal vaudois Kevin Grangier regrette «l’instrumentalisation qu’ont subie les femmes» lors de la grève du 14 juin 2019. «Beaucoup se sont senties prises en otage par des partis qui ont prétendu parler au nom de toutes les femmes. Mais celles-ci sont libres, elles n’ont besoin d’aucun porte-parole et personne ne peut leur imposer une morale féministe», déclare-t-il. Kevin Grangier reconnaît cependant qu’avec seulement 4 femmes sur 19 candidats sur la liste du Conseil national dans son canton, l’UDC doit «améliorer son identification» auprès de l’électorat féminin.

Dernier fait réjouissant pour les femmes: pour la première fois, les partis ont consacré plus d’argent pour promouvoir leurs candidates que pour leurs candidats. Les premières ont reçu une aide représentant 38% de leurs dépenses de campagne, contre 21% seulement pour les seconds. Les partis ont-ils été mis sous pression à la suite de la grève des femmes? On ne le saura pas. Pour Marie-France Roth Pasquier, maman de trois enfants, l’engagement des femmes restera toujours difficile: «Il nécessite un fort soutien familial à la maison. Personnellement, je bénéficie toujours beaucoup de l’aide de ma mère et de son mari.»

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