Une fleur des Alpes, le Cervin en arrière-fond: sous le titre «Edelweiss Concert», le flyer annonce la venue de trois groupes de rock néonazis: Kraftschlag, poids lourd du rock néonazi allemand, et les groupes secondaires Lemovice et Legion Twierdzy Wroclaw. L’annonce ne précise pas le lieu, mais donne une adresse e-mail pour s’inscrire. Selon le groupe Antifa Bern, qui surveille activement la scène d’extrême droite, ce concert devrait se produire en Valais, «entre Sion et Martigny». Mais il se pourrait que les participants se soient donné un premier point de rendez-vous et qu’ils s’acheminent ensemble dans un autre lieu connu uniquement des organisateurs, comme ça a déjà été le cas par le passé.

La police dans l’inconnu

La police cantonale valaisanne précise que l’événement, jugé «problématique», n’est pas autorisé. Vendredi après-midi, les forces de l’ordre ne connaissaient pas le lieu exact de ces concerts, mais disaient être «en contact avec la police fédérale pour mener les investigations». Quant au nombre de participants attendus, «c’est l’inconnu», précise un porte-parole. Selon l’article 67 de la loi sur les étrangers, la Suisse peut interdire l’entrée du territoire à un individu qui «mettrait en danger la sécurité intérieure et extérieure», par exemple s’il s’agit d’une personne connue pour son extrémisme violent, précise Fedpol, sans donner davantage d’informations sur ce cas précis.

Le flyer qui circule dans le milieu d’extrême droite indique qu’il est possible de dormir sur place et précise qu’il est interdit d’utiliser Twitter, de prendre des photos ou de communiquer via messagerie sur l’événement. Une manière pour les organisateurs de se prémunir contre d’éventuelles poursuites. La méthode rappelle la soirée néonazie d’Unterwasser, organisée au nez et à la barbe des autorités et de la police dans la commune de Wildhaus-Alt St. Johann (SG), en octobre 2016.

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A cette occasion, quelque 5000 sympathisants d’extrême droite s’étaient donné rendez-vous à Ulm, dans le sud de l’Allemagne, avant de faire le déplacement dans le Toggenburg. L’événement avait créé des vagues jusqu’au parlement à Berne, et montré la difficulté à anticiper et à surveiller des rassemblements néonazis.

Apologie de la violence

Les groupes annoncés en Valais ont pour certains déjà eu affaire à la justice en raison de leurs paroles faisant l’apologie de la violence. A l’exemple de Kraftschlag, créé dans les années 1990 en Allemagne, devenu une référence sur la scène de l’extrême droite et connu pour son exaltation du national-socialisme et ses exhortations à user de violence contre les étrangers. Son chanteur, Jens Arpe, a été condamné à plusieurs reprises, notamment pour incitation à la haine raciale.

Lemovice, un groupe français de «rock anticommuniste» fondé en 1999, ancré dans le milieu identitaire francophone, avait déjà fait une apparition en Suisse, dans le village de Villarimboud (FR), le 2 juillet 2016. L’événement était organisé par les Hammerskins, un groupe fondé aux Etats-Unis en 1985 sous le slogan «white area for white people», qui s’est répandu en «chapters» dans différents pays, dont la Suisse.

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Quant aux Polonais de Legion Twierdzy Wroclaw (LTW), ils étaient en avril dernier à l’affiche d’un festival néonazi dans le nord de l’Italie, Defend Europe, organisé par Veneto Fronte Heads Skinheads, dont on retrouve la trace sur des sites spécialisés dans la surveillance de l’extrême droite. Le groupe LTW était aussi invité en juin à Ostritz dans l’est de l’Allemagne, pour l’événement Schild und Schwert («bouclier et épée), lancé par Thorsten Heise, membre du parti néonazi allemand NPD.

Selon Antifa Bern, l’adresse e-mail indiquée sur le flyer valaisan se rapporterait à une jeune femme de Nax qui fréquenterait des membres de Combat 18, une structure créée dans le sillage de Blood & Honour. Fondée en Angleterre par Ian Stuart dans le but de transmettre l’idéologie néonazie par la musique, interdite en Allemagne, cette organisation internationale se définit elle-même comme un «réseau blanc nationaliste de promotion de musique rock anticommuniste». Combat 18, un groupe antisémite et raciste, estime de son côté qu’il faut se préparer à défendre l’Europe, en usant de la violence si nécessaire.