EDITORIAL. L’accord de libre-échange avec l’Indonésie est bien plus large que la seule question de l’huile de palme, qu’un non le 7 mars ne résoudrait pas

La déforestation est dramatique dans le Sud-Est asiatique. Le remplacement de la forêt tropicale originelle par des plantations de palmiers à huile est un désastre écologique. L’auteur de ces lignes a pu s’en rendre compte sur l’île indonésienne de Sumatra voilà quelques années. Les orangs-outans sont privés de leur biotope et les tigres se rapprochent des villes.
Face à cette triste réalité agro-industrielle, la tentation est grande de rejeter, le 7 mars, l’accord de libre-échange (ALE) entre les pays de l’AELE et l’Indonésie. Il faut résister à cette tentation. Car un refus de ce contrat commercial n’apporterait aucune réponse à la problématique de la production d’huile de palme à grande échelle, dont l’Indonésie est l’un des principaux producteurs mondiaux. L’acte de protestation n’irait pas au-delà du symbole.
Or, les enjeux de cet accord de libre-échange ne se résument pas, et de loin, à la question de savoir si la Suisse doit ou non importer de l’huile de palme indonésienne. D’une part, ces importations sont extrêmement faibles et l’accord prévoit de les encadrer d’exigences environnementales inédites dans une convention commerciale de ce genre. D’autre part, la Suisse, qui n’a jamais voulu faire partie de l’union politique européenne, doit son salut économique à la conclusion de conventions qui facilitent les échanges de marchandises.
Une stratégie cohérente
A ce jour, elle en a conclu plus de 30 avec de grands pays, avec de plus petits et avec des associations d’Etats. Le succès de la négociation d’un traité commercial dépend toujours de l’équilibre entre les intérêts des nations signataires. C’est du donnant-donnant.
L’Indonésie est l’un des pays les plus peuplés du continent asiatique. Elle intéresse les exportateurs suisses, qui y voient un marché en pleine croissance. L’objectif de l’accord est de faciliter les échanges en réduisant les droits de douane élevés prélevés par ce pays. Les producteurs suisses de pièces mécaniques, de produits pharmaceutiques et chimiques, de montres et de chocolat en profiteront. Dans l’autre sens, il s’agit d’abaisser les tarifs sur des marchandises indonésiennes telles que les métaux précieux, les textiles, les chaussures mais aussi des denrées comme le thé, le café ou les épices. L’huile de palme, dont l’importation sera encadrée par le maintien partiel des droits de douane et le respect d’une clause de durabilité, vient loin derrière.
L’ALE avec l’Indonésie s’inscrit dans une stratégie cohérente d’ouverture commerciale aux marchés étrangers. Cela va bien au-delà de la polémique qui entoure l’huile de palme. Les consommateurs peuvent d’ailleurs agir par eux-mêmes, en choisissant des produits qui n’en contiennent pas, comme ils peuvent faire pression sur la grande distribution en refusant d’acheter des fraises espagnoles ou des asperges péruviennes en hiver.
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Il y a 6 jours
Je partage tout à fait cette opinion mais je ne suis pas d'accord avec la comparaison en fin de texte: si l'huile de palme, malgré son rendement tois foix meilleur que l'huile de colza est bel et bien problématique car elle se trouve sur une forêt primaire, les fraises espagnoles ne sont pas moins efficaces écologiquement que les fraises suisses chauffées. En effet, on ne peut comparer ici des pommes et de poires si on se borne à parler d'effet sur l'environnement. Sans parler du fait que le consommateur suisse qui peut se permettre d'acheter des fraises suisses en saison doit avoir le porte-monnaie bien rempli au vu du fait que saisonnalité égale prix exorbitants en Suisse! A bon entendeur!
Il y a 6 jours
Les petits et grands intérêts mercantiles de la Suisse sont une chose, et quand il s'agit d'exporter nos belles marchandises, chacun en comprend bien l'importance, tant la doxia économique veut que la prospérité passe par là. L'enjeu ici n'est-il pas ailleurs, au-delà de notre insularité et de notre prospérité économiques, dans la véritable question posée en sous-main par cette votation: penser et surtout vouloir un monde global parce qu'interconnecté par les liens humains et environnementaux mais pas menotté conceptuelle ment par nos seules prétentions commerciales sur le monde vivant dont nous sommes, petits Suisses, aussi partie?