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Un an après sa cavale, Peter K. ne regrette rien

Dans un entretien épistolaire accordé au «Journal du Jura», tout juste un an après qu’il a tiré et grièvement blessé un policier, celui qui a été appelé le «forcené de Bienne» dit continuer son combat contre la justice qui l’écrase

C’était il y a juste une année, le 8 septembre 2010. Un retraité inconnu de 66 ans, Peter K., défraie la chronique. Il refuse que sa maison du chemin Mon-Désir dans le quartier des Tilleuls à Bienne soit vendue aux enchères. Il se retranche chez lui et accueille les policiers qui viennent le déloger à coups de fusil. L’affaire dégénère. Au milieu de la nuit, Peter K. saute d’une fenêtre, tire sur les policiers – et en blesse un grièvement à la tête – puis s’enfuit. Il ne sera repris que neuf jours plus tard, par hasard, en périphérie de Bienne.

Peter K. est depuis un an incarcéré à la prison de Bienne. Une psychiatre a diagnostiqué un «délire paranoïaque persistant». L’instruction devrait être terminée d’ici à la fin de l’année. Avec cette question: y aura-t-il un procès ou Peter K. sera-t-il jugé inapte à le subir et interné dans une clinique psychiatrique?

En attendant, Peter K. écrit de longues lettres, adressées à divers médias. Il a ainsi répondu au «Journal du Jura», qui publie l’entretien épistolaire dans son édition de ce jeudi. A la question: «Eprouvez-vous des regrets face au policier que vous avez blessé?», l’ancien forcené formule cette réponse: «Pourquoi devrais-je regretter quelque chose? Le 8 septembre 2010, j’ai été attaqué par 200 soldats d’élite armés jusqu’aux dents. J’étais désespérément seul, livré sans recours à mes assaillants. Lorsque quelqu’un fait usage de la force armée pour agresser autrui, qu’il ne se plaigne pas ensuite s’il attrape une bosse. Pourquoi devrais-je regretter quelque chose? Si j’ai survécu à cette agression, c’est parce que j’ai fait tout juste. Ne devrait-on pas plutôt demander aux policiers s’ils regrettent de m’avoir attaqué, moi?»

Peter K. raconte comment se déroulent ses journées de prisonnier: «Après quelques mois dans une prison, on ne peut que ressentir le besoin d’assassiner quelqu’un. Il faut donc s’efforcer de ne pas se laisser influencer par la répression exercée par l’Etat, et tout faire pour rester soi-même malgré tout.» Il affirme se réfugier dans l’écriture. «Je suis contraint de me concentrer sur l’essentiel, à savoir le combat que je mène contre la justice et la psychiatrie.»

A la question: «Comment envisagez-vous votre avenir?», Peter K. se montre fataliste: «Je suis un vieil homme et, d’une manière ou d’une autre, mon avenir, c’est le cimetière. D’autre part, je me trouve au milieu d’une guerre qui se durcit de semaine en semaine. Comme c’était déjà le cas le 8 septembre 2010, je suis aujourd’hui attaqué par un pouvoir à la supériorité écrasante, si bien que je ne me fais pas beaucoup d’illusion sur l’issue de la bataille.»

Peter K. ajoute ceci: «Mon modèle est une vache, Yvonne, qui vit en Allemagne, dans le district de Mühldorf an der Inn. Le 24 mai 2011, elle a échappé aux bouchers de l’abattoir et a disparu dans la nature. D’innombrables policiers et des hélicoptères de l’armée l’ont activement recherchée. En vain. Aujourd’hui, à la fin du mois d’août, elle court toujours et profite de sa liberté. Cette vache est exactement le genre de courage qui nous fait défaut.» Comme Peter K., la vache Yvonne a été reprise, le 2 septembre, puis rachetée par une association, échappant au final à la boucherie.