Mis sous pression par les cantons, le Conseil fédéral monte encore en puissance pour lutter contre le coronavirus. Cette fois, il passe effectivement au dernier stade de gravité de l’épidémie, celui de «situation extraordinaire». Jusqu’au 19 avril prochain, il interdit toutes les manifestations privées et publiques, ferme les restaurants, marchés et tous les lieux de divertissement comme les musées, les bibliothèques et les cinémas. Il étend le nombre de pays à risque de l’Italie à l’Allemagne à la France et à l’Autriche. Ce faisant, il n’est pas loin de mettre la Suisse sous cloche, mais sans recourir au confinement à l’italienne.

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Comme vendredi dernier, ce ne sont pas moins de quatre conseillers fédéraux qui ont lancé sur un ton solennel un appel à l’union du pays. «Une réaction forte s’impose», a insisté la présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga. Ce n’est qu’avec l’appui de toutes les générations et de toutes les régions qu’il sera possible d’infléchir la courbe de progression du virus, qui a fait jusqu’à ce lundi 18 victimes alors que 2330 personnes en sont désormais atteintes. Ce n’est qu’ainsi qu’il sera possible d’éviter que les hôpitaux soient surchargés, et donc d’évacuer le cauchemar vécu actuellement par le personnel de santé italien. Débordé et en manque d’appareils respiratoires, celui-ci doit parfois choisir qui il soignera en fonction de l’âge des patients.

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Appel à l’unité nationale

La présence de la cheffe de l’armée, Viola Amherd, n’a fait que renforcer ce discours d’union nationale. Vendredi dernier, le Conseil fédéral avait pris des mesures déjà qualifiées de «draconiennes». Mais cela n’a à l’évidence pas suffi, ainsi qu’en a convenu le ministre de la Santé, Alain Berset. «Ces mesures ont été inégalement et insuffisamment suivies», a-t-il reconnu.

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Une déclaration qui équivalait à un constat d’échec du fédéralisme en cas crise. En ordonnant la fermeture des écoles vendredi dernier, le Conseil fédéral a pris des décisions dans un domaine qui est la chasse gardée des cantons. Mais en laissant une certaine marge de manœuvre pour mettre les décisions en application, il s’est vite aperçu des limites de l’exercice. Les uns ont fermé leurs classes jusqu’au 4 avril, d’autres jusqu’au 30 avril, avant que la cheffe de la Conférence des directeurs cantonaux, Silvia Steiner, n’annonce une probable fermeture jusqu’à l’été.

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Durant le week-end écoulé, alors que les chiffres des cas de coronavirus (+800 cas en un jour) ont pris des proportions alarmantes, ce sont les cantons eux-mêmes qui ont réclamé du Conseil fédéral qu’il s’implique encore davantage dans la gestion de cette crise. Même la ministre zurichoise de la Santé Natalie Rickli (UDC/ZH), une ardente avocate du fédéralisme, s’est exclamée: «Il est grand temps que la Confédération prenne enfin davantage de responsabilités.»

«Pas besoin de paralyser le pays»

C’est fait désormais. Après deux séances de crise, le Conseil fédéral a encore durci ses mesures dans une nouvelle ordonnance, ne laissant ouverts que les magasins d’alimentation, les pharmacies et le service public. Mais le gouvernement a renoncé à un confinement des gens à l’italienne. «Nous ne voulons pas paralyser totalement le pays», a précisé Alain Berset.

C’est dans le même esprit que le Conseil fédéral a renoncé à fermer plus hermétiquement les frontières. En revanche, il a étendu le nombre des pays à risque. A l’Italie sont venus s’ajouter l’Allemagne, la France et l’Autriche, qui feront l’objet de contrôles renforcés: seuls les titulaires d’un permis de résidence ou de travail peuvent encore entrer en Suisse. Une mesure qui porte de premiers fruits: dimanche dernier, le flux des passagers s’est réduit de 88% avec l’Italie.

A situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle. Fait rarissime: de gauche à droite de l’échiquier politique, tous les partis ont signé un communiqué commun en se rangeant derrière le Conseil fédéral et en appelant à la solidarité tout en rassurant la population: l’approvisionnement en produits alimentaires et en médicaments est assuré. «Le pays continuera à fonctionner, même si c’est plus lentement», a souligné Alain Berset.