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Un bicentenaire genevois célébré sans cantique, ni ambassadeurs

En présence du président de la Confédération, le canton a fêté samedi le débarquement des troupes confédérées au Port-Noir

L’arrivée de Didier Burkhalter aux côtés de Pierre Maudet. — © Eddy Mottaz
L’arrivée de Didier Burkhalter aux côtés de Pierre Maudet. — © Eddy Mottaz

Un bicentenaire genevois célébré sans cantique, ni ambassadeurs

En présence du président de la Confédération, le canton a fêté samedi le débarquement des troupes helvétiques au Port-Noir

Samedi, Genève célébrait le débarquement il y a deux cents ans des troupes confédérées sur territoire genevois. Sous un soleil de plomb, près de 26 conseillers d’Etat – et autant de huissiers munis de sceptres et de plaques ciselées arborant fièrement leurs ­armoiries respectives – ont embarqué, rotonde du Mont-Blanc, sur un bateau sans intérêt historique pour se diriger vers le Port-Noir, emplacement de l’arrivée des troupes catholiques soleuroises et fribourgeoises, un 1er juin 1814.

A bord de l’embarcation, le président de la Confédération, Didier Burkhalter, tente d’expliquer aux édiles alémaniques l’importance des Pierres du Niton comme repère altimétrique de l’ensemble de la cartographie helvétique. Le libéral-radical répond aussi volontiers aux questions de médias sur la place qu’occupe Genève pour la Suisse et sur ce que le canton symbolise à ses yeux. «Ville de paix, ville des droits de l’homme, le Jet d’eau pour les touristes, l’ONU», faute de temps, le président est contraint d’aligner les poncifs.

A son bord également, six des sept conseillers d’Etat genevois. Les mauvaises langues persiflent immédiatement en rappelant qu’un naufrage du bâtiment conduirait le gouvernement à ne compter plus qu’un membre: Pierre Maudet. C’est d’ailleurs lui qui accueillera au Port-Noir cette imposante délégation confédérale.

Arrivées à quai, les autorités exécutives, législatives, militaires et ecclésiastiques s’emparent des gradins qui font face à la Rade pour assister, plusieurs heures, au défilé historique et contemporain. Quelque 1200 participants du cortège retracent le passé de la République. Aux costumes de la Compagnie 1602 – évoquant la victoire de la Genève protestante sur les troupes du duc de Savoie Charles-Emmanuel Ier – se succèdent des voitures anciennes (Coccinelle de la police, camions de pompiers et autres engins d’artillerie) et les corps de musique officiels. La partie contemporaine du défilé demeure plus exotique. Danseurs colombiens, jongleurs brésiliens et Guggenmusik onésienne n’ont pas manqué de susciter une certaine perplexité au sein du public.

«Un mariage de raison»

Place au discours du président de l’exécutif genevois. Le libéral-radical François Longchamp rappelle le «mariage de raison» qui avait conduit Genève à rejoindre le projet suisse. «Comme le Valais et Neuchâtel, nous n’avons pas été touchés par la foudre.» Le magistrat ne manque pas de vanter le génie collectif helvétique, «un pays qui additionne les spécificités, un mélange de traditions locales et d’innovations globales».

Comme à son habitude, l’édile ne peut se retenir de pester contre l’issue de la votation du 9 février «Contre l’immigration de masse», rappelant que la suppression des droits de douane entre les cantons en 1848, instaurait déjà une libre circulation. Des propos jugés malvenus par plusieurs élus UDC, voire «insultants pour la moitié des Suisses», s’émeut le secrétaire général romand de l’ASIN, Eric Bertinat.

Burkhalter et la concordance

Plus consensuel, Didier Burkhalter souhaite mettre l’accent sur ce «socle de valeurs partagées» – que sont la liberté, la solidarité et la responsabilité – lesquelles «réunissent Genevois et Suisses depuis 200 ans». Le président de la Confédération loue également l’importance de la concordance. «Mettre 26 cœurs en harmonie […], c’est la force des Suisses, des Genevois, des Appenzellois et de tous les autres, qui réussissent cet exploit depuis des siècles. C’est aussi l’essence d’une véritable nation: la volonté de partager une histoire autant que d’écrire l’avenir.»

Des absences relevées

Alors que la cérémonie se clôture officiellement, les langues se délient, surtout dans les rangs de la droite. Au MCG, on s’étonne de l’absence du Cé qu’è lainô, le chant patriotique genevois. A l’UDC, c’est l’absence du Cantique suisse qui dérange. «Je trouve cela déplorable alors que l’on célèbre un tel anniversaire», commente Pascal Rubeli, président du Conseil municipal de la Ville de Genève. Le député libéral Renaud Gautier rappelle, quant à lui, avoir alerté depuis plusieurs jours les organisateurs sur l’absence d’invitation adressée aux diplomates étrangers. «On nous rappelle sans cesse que Genève est la ville des droits de l’homme et de l’ONU. Conclusion: il n’y a même pas un seul ambassadeur présent aujour­d’hui!», s’insurge l’élu. Comme pour mieux rappeler au reste de la Suisse qu’un vrai Genevois est un Genevois qui râle.