Céline Ehrwein Nihan est collaboratrice scientifique pour les questions d’éthique sociale auprès de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse.

Le Temps: Les autorités doivent-elles céder au chantage de Bernard Rappaz au nom du droit à la vie?

Céline Ehrwein Nihan: Les exigences de Bernard Rappaz remettent en question le fonctionnement de la justice. Dans une situation comme celle-ci, il est problématique d’entrer dans le jeu de la personne. Car il y a un risque de perte de validité du droit. En effet, quelle confiance peut-on avoir dans la justice si celle-ci plie devant un cas particulier? Cependant, il faut également tenir compte de la mise en danger d’une personne par elle-même, et faire tout ce qui est possible pour la protéger. Cela signifie qu’il faut lui donner un accompagnement juridique, mais aussi l’aide d’autres professionnels si besoin est.

– La protection de la vie n’est donc pas une exigence absolue du point de vue éthique?

– On ne peut pas empêcher quelqu’un de se laisser mourir. Si Bernard Rappaz refuse de se nourrir alors qu’il a tout son discernement, on ne peut pas l’y obliger. C’est un cas extrêmement déchirant et douloureux, notamment pour la famille de la personne concernée. D’un point de vue éthique, il y a plutôt une exigence absolue de respecter la personne et sa dignité quels que soient ses opinions ou les éventuels actes qu’elle a commis.

– Sachant que Bernard Rappaz est un personnage original, qui a déjà effectué plusieurs grèves de la faim, était-il opportun d’un point de vue éthique que la justice le sanctionne d’une manière aussi sévère?

– Je ne suis pas juriste, mais il me semble que la justice n’a pas à tenir compte du caractère des personnes qui sont jugées. Elle doit éviter de laisser penser qu’elle fait une faveur à quelqu’un. Cependant, il est légitime que les autorités politiques s’interrogent sur les possibilités qu’elles ont d’éviter certaines conséquences dramatiques.