Un cas problématique en Géorgie

Stephan Auerbach se souvient d’un cas auquel il a eu affaire, emblématique des problèmes que pose la maternité de substitution. «Il s’agissait d’un couple, une Suissesse âgée et son mari d’origine étrangère, plus jeune, qui ont recouru à une mère porteuse en Géorgie», précise le responsable du secteur socio-juridique du Service social international (SSI), fondation qui intervient principalement dans des cas de conflits familiaux transnationaux et de protection internationale de l’enfant.

A l’ambassade de Suisse à Tbilissi, les explications de la mère, qui affirmait avoir accouché de façon prématurée lors de vacances en Géorgie, étaient tout de suite jugées non crédibles en raison de son âge avancé. Le cas a été signalé aux autorités cantonales compétentes pour clarifier la question des droits parentaux. Pendant plusieurs semaines, le couple a dû rester à Tbilissi. L’enfant était apatride. Un passeport suisse provisoire lui a finalement été délivré, «le dernier concernant une mère porteuse», promettait l’ambassadeur de l’époque, dans un reportage diffusé par la Télévision suisse alémanique.

Une fois en Suisse, la fillette a été retirée à ses parents pendant quelque temps, les «capacités parentales» du couple ayant été mises en doute. Stephan Auerbach: «Le SSI a été contacté à ce moment-là par les autorités de protection de l’enfant du canton où vivait le couple, avec pour mandat d’obtenir des précisions sur la mère biologique – celle qui a accouché –, considérée de facto par la Suisse comme la mère juridique. En clair, il fallait être certain qu’elle renonce à ses droits parentaux. Car, pour les autorités suisses, c’est cette femme qui était, à l’état civil, inscrite comme étant la vraie mère de l’enfant.» Mais retrouver sa trace n’a pas été évident. Le SSI l’a fait à travers des partenaires sur place.

Au téléphone, la mère porteuse a répété le même discours que l’agence qui l’a employée: la gestation pour autrui est légale en Géorgie, et il est donc impossible de faire une déclaration d’abandon pour un enfant qui, dès le départ, n’est pas reconnu comme étant le sien. La Géorgie fait directement figurer les parents commanditaires sur le certificat de naissance, et ne considère pas ces enfants comme Géorgiens. A défaut de document de déclaration d’abandon officiel, le SSI a transmis un rapport aux autorités suisses, confirmant que la mère porteuse n’était pas intéressée par l’enfant. C’est à ce moment-là, seulement, que les autorités compétentes ont retiré la garde à la mère porteuse et l’ont attribuée au père biologique. Aux dernières nouvelles, la fille vit toujours avec le couple et «va bien».

«Ce genre de cas de figure n’est vraiment pas idéal, mais nous devons toujours veiller à ce que l’enfant se retrouve dans la moins pire des situations, et qu’il ne soit pas pénalisé à cause d’actes répréhensibles commis par ses parents», résume Stephan Auerbach. Le SSI estime urgent de créer des règles internationales contraignantes pour encadrer ces phénomènes, au lieu de les interdire simplement, «ce qui serait irréaliste», ou de les autoriser sans contrôle, «ce qui reviendrait à légaliser l’exploitation et les abus».