Début décembre était inauguré à Meyrin, dans la banlieue genevoise, le Centre sino-suisse de médecine chinoise, soutenu par les autorités de Pékin, désireuses de promouvoir leur savoir-faire traditionnel à travers le monde. L’acupuncture, et son approche holistique de la santé, est en effet de plus en plus plébiscitée en complémentarité à la médecine dite occidentale.

«Il y a vingt ans, quand nous avons donné une première conférence à la maternité de l’hôpital cantonal de Genève, c’était considéré comme de la magie, explique le docteur Dong Hongguang, formé à la médecine traditionnelle chinoise à Pékin ainsi que diplômé de la Faculté de médecine de l’Université de Genève et responsable du centre. Aujourd’hui, l’attitude des médecins est différente: l’approche chinoise est acceptée, on est prêt au dialogue et on n’a plus peur d’une concurrence. C’est un changement complet de mentalité.»

Le centre en question se trouve dans la clinique du docteur Dong, qui collabore avec l’Hôpital de La Tour, et où travaillent six médecins chinois et suisses dans une approche intégrative. La nouveauté est la reconnaissance officielle d’une plateforme en Suisse destinée à stimuler les échanges scientifiques, la formation, la recherche et l’enseignement des meilleures pratiques de médecine chinoise en complémentarité à la médecine occidentale.

Partenaires chinois

«La médecine traditionnelle chinoise a fait ses preuves, explique le professeur François Pralong, médecin-chef du centre d’endocrinologie, diabétologie et obésité de l’Hôpital de La Tour, qui s’est récemment rendu en Chine. Il est temps de travailler ensemble, d’articuler nos deux approches, de trouver un équilibre entre notre démarche scientifique et leur approche de la phytothérapie.» Traitement de la douleur, de l’anxiété, de l’infertilité, de l’obésité, les domaines sont nombreux où la médecine chinoise peut se révéler efficace là où la médecine occidentale a ses limites.

Les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) se montrent intéressés par l’expérience. Côté chinois, l’Université du Shaanxi et l’hôpital de Shenzhen sont partenaires. Le gouvernement central financera à hauteur de 1 million de yuans (environ 150 000 francs) par an des formations ou des cours. «Nous allons soutenir ce centre pour une meilleure diffusion de notre médecine à Genève et en Suisse», a expliqué lors de l’inauguration la professeure Yu Yanhong, dirigeante de l’administration d’Etat en charge de la médecine traditionnelle, qui a fait le déplacement de Pékin accompagnée d’une vingtaine de responsables de la santé.

La médecine traditionnelle chinoise a fait ses preuves. Il est temps de travailler ensemble, de trouver un équilibre entre notre démarche scientifique et leur approche de la phytothérapie

François Pralong, médecin-chef à l’Hôpital de La Tour

Lors de son passage à Genève, en janvier 2017, Xi Jinping a offert une statuette en bronze d’un mannequin pour les points d’acupuncture à l’OMS, où elle est exposée, attestant de l’importance qu’accorde Pékin à sa médecine et à sa diffusion. Inscrite au patrimoine immatériel de l’Unesco depuis 2011, «l’acupuncture est la carte de visite de la médecine chinoise», a déclaré à Meyrin Liu Baoyan, le président de la Fédération mondiale des associations d’acupuncture. Les autorités chinoises soutiennent déjà huit projets de centre de coopération à travers le monde.

Standards de formation

Il n’y a pas que Pékin qui veut profiter du retour d’image positif qu’offre l’acupuncture. Le maire de Meyrin, Pierre-Alain Tschudi, se félicite du développement de ce projet, installé au cœur de sa cité dans le grand centre commercial et qui reflète le «multiculturalisme» de ses administrés. Il verrait bien sa commune accueillir un pôle de santé.

«Je pense que ce sera un vrai lieu d’échange grâce au Dr Dong, explique Marc Petitpierre, membre de l’Association romande des médecins acupuncteurs, une organisation créée en 1978. Le médecin généraliste souligne que «l’acupuncture médicale occidentale s’éloigne petit à petit de l’acupuncture traditionnelle chinoise» et la nécessité d’instaurer un dialogue non seulement entre médecine traditionnelle chinoise et médecine occidentale, mais entre deux pratiques de l’acupuncture. Un millier de médecins environ pratiquent aujourd’hui l’acupuncture en Suisse dont 120 en Suisse romande, au bénéfice de formations en Suisse ou en Chine.

Lire aussi: Les médecines alternatives à l’assaut des hôpitaux

«Pour l’heure l’acupuncture n’est pas enseignée dans les universités suisses, explique le docteur Dong Hongguang, qui officie par ailleurs comme consultant aux HUG, mais dans le cadre de la formation continue des médecins. L’idée est aussi de promouvoir des standards de formation en collaboration avec des universités en Chine, de créer des ponts.»