Alors que le Conseil fédéral, par la voix de Karin Keller-Sutter, n’entrera en campagne qu’en janvier prochain pour défendre son contre-projet, un comité interpartis s’est formé pour soutenir l’initiative «Oui à l’interdiction de se dissimuler le visage», plus communément appelée anti-burqa. Ce mouvement se distancie d’emblée du Comité d’Egerkingen qui l’a lancée et veut proposer «un autre oui» que celui de la droite dure incarnée par l’UDC. On y retrouve beaucoup de libres penseurs, comme Jean Romain au PLR, Isabelle Chevalley chez les vert’libéraux, Marlyse Dormond au PSS ou encore Mohamed Hamdaoui, qui a quitté sa famille politique – le PSS – pour rejoindre les rangs du PDC-Le Centre.

C’est la question que se posent tous les observateurs politiques: va-t-on assister en début d’année prochaine à un remake de l’initiative sur l’interdiction des minarets, qui avait été lancée par ce même Comité d’Egerkingen? Ses initiants s’étaient fait les auteurs d’une campagne teintée d’islamophobie avec des affiches montrant des minarets noirs transperçant le drapeau suisse. Tous les partis sauf l’UDC l’avaient rejetée et tous les sondages prévoyaient son refus, ce d’autant plus qu’il n’y avait en Suisse que quatre minarets. Jusqu’au «choc» le 29 novembre 2009 lorsque le peuple l’a approuvée à une majorité de 57%, seuls quatre cantons la rejetant (BS, NE, VD et GE).

«Eviter le scénario des minarets»

C’est pour éviter ce scénario que sept personnalités politiques n’appartenant pas au cercle des initiants ont décidé de se réunir en un comité romand qui a ouvert ce lundi un site internet. La situation ressemble étrangement à celle de l’époque. D’un côté, des initiants veulent modifier la Constitution pour que «nul ne puisse se dissimuler le visage dans l’espace public». De l’autre, leurs opposants qui dénoncent, à gauche, «une solution populiste à un problème inexistant», et un «texte islamophobe». Selon eux, la femme portant la burqa ou le niqab n’est qu’une «espèce rare» en Suisse.

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A l’origine du comité romand, Mohamed Hamdaoui, qui ne cache pas que ce thème a été l’un des éléments qui a conduit à son divorce d’avec le PSS voici deux ans. «Je pense que le PS, au nom du multiculturalisme et de la lutte contre le racisme, sous-estime la montée du salafisme en Suisse. Or, nous ne pouvons pas éviter ce débat». Le député biennois au Grand Conseil bernois se rappelle que voici trois ans, la présidence de son ancien parti avait bien organisé un débat, non ouvert au public, à la Maison des religions à Berne à propos de cette initiative. «Mais il n’y avait que des représentants d’associations musulmanes très conservatrices n’étant pas ouvertes à un dialogue critique sur l’islam».

Le PSS divisé?

Déçu, puis franchement «choqué» par le fait que la gauche ait crucifié cette initiative à la quasi-unanimité dans les deux Chambres, Mohamed Hamdaoui estime que la question que pose l’initiative est «légitime» et qu’il est «capital d’éviter que l’extrême droite monopolise le discours du oui». «C’est l’occasion de rappeler l’importance de nos valeurs.»

Parmi celles-ci, le principe d’égalité entre les femmes et les hommes inscrit depuis 1981 dans la Constitution fédérale, sur lequel insiste l’ancienne conseillère nationale Marlyse Dormond (PS/VD). «Le port de la burqa ou du niqab – ce vêtement qu’il faut bien appeler une prison ambulante – est une régression dans le combat pour l’égalité et dans la conquête de la liberté des femmes», déclare-t-elle. Dès le lancement de l’initiative, la Vaudoise a soutenu le texte, qui provoque un trouble certain chez ses camarades de parti, comme l’a d’ailleurs reconnu Géraldine Savary. «Le PS est plus divisé qu’on ne le pense», ajoute-t-elle.

A ce oui féministe s’ajoute un oui sécuritaire, personnifié par Jean-Marie Bornet, l’ancien chef de la communication et de la prévention de la police cantonale valaisanne. «Cette initiative ne porte pas que sur la burqa. L’aspect sécuritaire, soit la nécessité de lutter contre le hooliganisme et les casseurs lors des manifestations, est important. C’est un problème global que nous devons régler au niveau national.»