Les chômeurs de plus de 60 ans arrivés en fin de droits pourront bénéficier d’une prestation transitoire jusqu’à la retraite. Mais la forme que revêtira ce qu’on nomme communément une rente-pont n’est pas encore clairement définie, car il y a divergence de vues entre le Conseil national et le Conseil des Etats. Le projet initial, résultat des réflexions menées par Alain Berset, Karin Keller-Sutter et les partenaires sociaux, avait pour but de combler une lacune. Cette lacune concerne quelques milliers de personnes, celles qui sont tombées au chômage à l’approche ou au-delà de la soixantaine et dont les efforts pour retrouver un emploi sont restés vains.

La solution proposée par le Conseil fédéral, calculée sur le modèle des prestations complémentaires (PC), consistait à leur octroyer, à des conditions strictes, une prestation transitoire de 58 350 francs au maximum pour une personne seule et de 87 525 francs au maximum pour un couple. Cette aide pourrait être perçue jusqu’à ce que les bénéficiaires atteignent l’âge légal de la retraite. Elle leur éviterait de devoir demander une prérente AVS réduite de 6,8% par année d’anticipation ou de tomber à l’aide sociale. Pour avoir droit à cette indemnité, il faut avoir cotisé à l’AVS pendant au moins vingt ans et gagné au moins 21 330 francs par an, soit 75% de la rente maximale AVS.

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Un paquet de sept mesures

Cette mesure fait partie d’un dispositif qui en compte six autres et dont le but est de favoriser la main-d’œuvre indigène. Ce catalogue complète la préférence indigène «light» adoptée par le parlement après l’acceptation de l’initiative de l’UDC sur l’immigration de masse en 2014. Il comprend notamment un accès élargi des jeunes et des jeunes adultes d’origine étrangère au préapprentissage d’intégration, une offre de bilan intermédiaire de carrière et de conseil professionnel pour les plus de 40 ans, un programme d’impulsion pour les demandeurs d’emploi difficiles à réintégrer dans le marché du travail, notamment les seniors. Dans ce contexte, la rente-pont est présentée comme une solution de dernier recours.

Ce coup de pouce n’a pas passé sans heurts le cap du Conseil des Etats. Celui-ci l’a remodelé en décembre. Il n’a pas modifié l’âge minimal donnant droit à ce soutien financier; il reste fixé à 60 ans. En revanche, les sénateurs ont abaissé le plafond à 38 900 francs pour une personne seule et à 58 350 francs pour un couple. Ils ont aussi réduit la durée du versement de deux ans. Celle-ci s’interrompt lorsque s’ouvre le droit à la perception d’une rente AVS anticipée. Enfin, contrairement à ce qu’exigeait le Conseil fédéral, les seniors bénéficiaires devraient continuer de rechercher un emploi.

«Des centaines de postulations en vain»

Le Conseil national s’est emparé de ce dossier mercredi. Il tente de trouver un compromis entre la version initiale du Conseil fédéral et celle, restrictive, du Conseil des Etats. «Ce projet concerne les gens qui ont écrit en vain des centaines de lettres de postulation pendant deux ans sans jamais rien trouver», résume Ruth Humbel (PDC/AG). «Cela doit leur permettre de vivre dans la dignité jusqu’à la retraite», complète Benjamin Roduit (PDC/VS). «On entre dans ce dispositif une fois qu’on a épuisé toutes les autres possibilités et qu’on veut éviter de dépendre de l’aide sociale», ajoute Pierre-Yves Maillard (PS/VD), président de l’Union syndicale suisse (USS). «Je suis la plus jeune Romande du parlement et vous demande de faire ce geste de solidarité envers les seniors, dont nous devons reconnaître l’apport», plaide encore Léonore Porchet (Verts/VD).

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Le Conseil national a procédé à plusieurs ajustements. Il a maintenu l’âge de départ à 60 ans, mais, afin d’éviter ce qu’on appelle un effet de seuil, il veut permettre aux personnes qui se sont retrouvées en fin de droits juste avant cet âge de ne pas en être exclues. Le critère des vingt années de cotisation demeure, mais il est précisé que cinq ans au moins doivent concerner la période postérieure à 50 ans. Le Conseil national prend également en compte les bonifications pour tâches éducatives dans le calcul, ce qui sera plus favorable aux femmes.

Trois versions

Il propose d’aligner le montant de la rente-pont sur les PC et renonce ainsi à le plafonner en francs et centimes. «Cette question devra encore être discutée car, dans certains cas, la prestation ne couvrira même pas les besoins vitaux», avertit Alain Berset, qui, pour la même raison, avait critiqué les maxima adoptés par le Conseil des Etats. Ce point devra être réexaminé, mais, insiste Philippe Nantermod (PLR/VS), «la prestation transitoire doit être moins attractive que l’exercice d’une activité rémunérée».

Le projet a été approuvé par 131 voix contre 57 – le bloc UDC plus quatre PLR alémaniques. Les Chambres fédérales doivent trouver un accord avant la fin de la session. La version du Conseil fédéral coûterait 270 millions et concernerait environ 4700 personnes, celle du Conseil des Etats 70 millions et ne toucherait que 1700 personnes et celle du Conseil national 230 millions pour environ 6200 personnes.