Il y aura un second tour pour l’élection au Conseil d’Etat neuchâtelois, une première depuis vingt ans. Après une nuit de réflexion, gauche et droite ont décidé de présenter des listes pour tenter d’emporter la majorité le 26 avril. Le Parti libéral-radical (PLR) présentera Frédéric Hainard, Claude Nicati et Philippe Gnaegi, une option soutenue par l’UDC. La gauche n’avait pas encore tranché hier soir à 22h. Le PS devait décider qui accompagnera Jean Studer et Gisèle Ory, arrivés en tête du premier tour. Il s’agira soit du sortant Fernand Cuche, onzième dimanche, soit de la députée Johanne Lebel Calame, huitième. La possibilité de les lancer tous les quatre a également été évoquée.

C’est l’UDC qui a imposé l’idée d’un second tour. La direction du parti a communiqué dès la mi-journée sa volonté d’empêcher «à tout prix» la réélection de Fernand Cuche, avec deux stratégies dans sa manche. La première consistait à soutenir le trio Hainard-Nicati-Gnaegi si le PLR retenait cette option. Si le PLR décidait de présenter le duo Hainard-Nicati pour favoriser une élection tacite, l’UDC aurait mis dans la course Pierre-Alain Storrer, meilleur candidat du parti mais seulement douzième du premier tour.

Pressions UDC

Cette dernière possibilité constituait un moyen pour l’UDC de mettre les libéraux-radicaux sous pression. La manœuvre n’a pas été déterminante: le comité cantonal du PLR avait pris l’option dimanche soir déjà de présenter ses trois meilleurs candidats du premier tour. Et ce à une écrasante majorité. «Nous considérons que les cinq personnes arrivées en tête dimanche doivent être élues, souligne le secrétaire politique du parti, Raphaël Comte. Ils ont la légitimité populaire de se maintenir, malgré le renforcement de la majorité de gauche au Grand Conseil.»

Le principe d’une liste PLR à trois a été entériné lundi soir au Château de Colombier par l’assemblée générale du parti. La proposition du comité cantonal n’a pas suscité d’opposition.

Même Claude Nicati, qui pourrait perdre sa 2e position au profit de Philippe Gnaegi au second tour, a accepté le principe d’une liste à trois.

Choix cornélien

Le PLR et l’UDC ne craignent pas de mettre fin au système de concordance. «Avoir trois ministres libéraux-radicaux ne constitue pas la solution idéale, reconnaît Walter Willener, responsable de campagne de l’UDC. Mais c’est la meilleure chance pour que la droite s’empare de la majorité au Conseil d’Etat. On voit à Berne et à Genève que des majorités différentes au gouvernement et au parlement peuvent cohabiter. Il n’y a pas de raison que ce soit différent à Neuchâtel. Ceci d’autant plus que les députés sont contraints de s’entendre: avec les mécanismes de maîtrise des finances, toutes les dépenses importantes nécessitent une majorité des trois cinquièmes.»

La gauche fait une autre lecture des résultats du 1er tour. En raison de sa progression au Grand Conseil et des excellents scores de Jean Studer et Gisèle Ory, elle se sent elle aussi légitimée de conserver sa majorité au Conseil d’Etat. Elle a pris son temps pour décider de la stratégie à adopter. En cause: les hésitations du Parti socialiste, empêtré dans un choix cornélien. Comme il y a quatre ans, quand il avait sommé Didier Berberat de se retirer pour donner un siège au radical Roland Debély afin d’éviter que la gauche concentre quatre sièges sur cinq.

Cette fois, le PS devait définir s’il devait ajouter Fernand Cuche au duo de choc Studer-Ory pour maintenir sa majorité. Un choix qui semblait évident il y a quelques jours. Il s’est passablement compliqué avec le résultat du magistrat vert qui a subi un désaveu d’une ampleur sans précédent avec un nombre de voix qui a diminué de moitié par rapport à 2005.

Pas de candidat de secours

Malgré la gifle reçue, Fernand Cuche n’a pas envisagé de se retirer. Avec un double argument: l’ancien conseiller national représente le groupe politique qui a le plus progressé au parlement cantonal (lire ci-dessous); il est arrivé en tête de sa liste en dépassant le socle de l’électorat vert. Précision utile: le règlement électoral interdit qu’il soit remplacé par un candidat n’ayant pas participé au 1er tour.

Devancé de moins de mille voix par Johanne Lebel Calame, Fernand Cuche devrait être en lice le 26 avril. On imagine mal le PS se priver du réservoir de voix des Vert et de l’extrême gauche, qui se reporterait très imparfaitement sur un ticket à 100% socialiste. Quelle que soit sa majorité, le futur gouvernement devrait conjuguer avec une importante force d’opposition potentielle à gauche du PS. Le suspense prendra fin ce midi, dernier délai pour le dépôt des listes en vue du second tour.