Publicité

Un djihadiste suisse soupçonné de retenir sa femme contre son gré en Syrie

Un résident thurgovien de 21 ans, d’origine turque, est parti il y a six mois en Syrie. La «Rundschau» et les «Stuttgarter Nachrichten» révèlent qu’il retient sa femme, une Allemande, de force

© SRF
© SRF

«Je veux rentrer à la maison. S’il vous plaît, aidez-moi.» Ce message, c’est Johanna*, 22 ans, qui l’adresse à sa famille. La jeune Allemande dit être retenue contre son gré en Syrie, par son mari, Onur*, un Suisse de 21 ans, qui vient d’Arbon (TG). L’affaire a été révélée par l’émissionRundschau de la télévision alémanique SRF, qui a travaillé sur ce cas depuis plusieurs mois avec les Stuttgarter Nachrichten. Ils ont notamment réussi à se procurer des enregistrements vocaux des appels à l’aide de la jeune femme.

Selon nos confrères, Onur est depuis six mois en Syrie, dans la région d’Idlib. Il a rejoint les rangs de l’organisation terroriste Jabhat al-Nosra. «Je suis venu ici pour couper les têtes des kouffars [terme arabe à connotation dépréciative désignant celui qui n’est pas croyant, ndlr]. Je suis prêt», écrit-il sur WhatsApp. Il se fait aussi menaçant, ajoutent les journalistes de la Rundschau: «Un jour, nous serons de retour en Suisse.» Il dit être parti en Syrie pour le djihad, aux côtés de Jabhat al-Nosra, organisation liée à Al-Qaida.

Distribution de Corans

Toujours selon nos confrères, Onur et Johanna ont des contacts avec «Lies! – Die wahre Religion», groupe salafiste actif dans la distribution gratuite de Corans. «Lies!» («Lis!», en français) est dirigé par le prédicateur Ibrahim Abou-Nagie, un chef d’entreprise de Cologne d’origine palestinienne, proche des milieux salafistes. Le mouvement s’est implanté en Suisse et a son propre groupe sur Facebook, en français. Des distributions gratuites de Corans ont eu lieu dans plusieurs villes suisses ces derniers mois.

Selon les autorités allemandes, un nombre important de djihadistes partis d’Allemagne avaient des liens avec «Lies!». C’est également le cas de plusieurs individus partis depuis la Suisse. Dont un Genevois, aujourd’hui en Syrie, qui affirmait être le responsable du «gouvernorat de Genève» pour «Lis Suisse». Le groupe comprendrait une centaine de sympathisants en Suisse.

Lavage de cerveau

Johanna se serait convertie à l’islam à travers «Lies!», en 2013. Quant au Thurgovien Onur, il aurait contribué à installer l’antenne de «Lies!» en Suisse cette même année. Naturalisé depuis 1995, il est d’origine turque. Selon des proches interrogés par les journalistes, il aurait dans un premier temps voulu acheminer des vivres en Syrie, avant d’être «victime d’un lavage de cerveau, à travers des prédicateurs radicaux».

C’est dans une mosquée de ­Stuttgart qu’Onur et Johanna se seraient mariés religieusement, puis en Suisse, civilement. Ils s’étaient au préalable rencontrés via une agence matrimoniale. Ils ont emménagé à Arbon en 2013. Apparemment, selon des voisins interrogés par la Rundschau, des cris émanaient souvent de leur appartement. Il est aujourd’hui vide. Fin 2014, sur demande des autorités allemandes, le Ministère public de la Confédération avait perquisitionné les lieux. Mais le couple était alors déjà parti en Syrie. Onur a apparemment rejoint la Syrie, via l’Allemagne puis la Turquie, à la fin de l’été, et sa femme l’aurait rejoint, enceinte, en octobre. Elle était censée revenir en Suisse après quelques semaines, selon certains témoignages. Interrogée par nos confrères, la mère de la jeune Allemande craint ne plus jamais la revoir. Johanna aurait tout récemment accouché d’une fille.

Depuis novembre 2014

Contacté par Le Temps, le Ministère public de la Confédération précise mener une procédure pénale contre cet homme depuis novembre 2014.

Sa porte-parole Jeannette Balmer ajoute qu’il est bien soupçonné d’être parti en Syrie pour intégrer une organisation terroriste. «Mais la supposée séquestration de la femme de Tübingen en Syrie ne fait pas l’objet de la procédure suisse», précise-t-elle. Le MPC mène actuellement 20 procédures pénales en lien avec le djihadisme. * Prénoms d’emprunt.