Le temps presse et le Conseil fédéral s’en dit conscient. Deux mois après la fin de la procédure de consultation, il a approuvé vendredi le message concernant le projet d’indemnisation des victimes de placements forcés. Ce projet vise à réparer, en particulier financièrement, les injustices subies des décennies durant par des enfants et des adolescents placés dans des foyers, des orphelinats, des fermes ou des prisons, sans décisions de justice. Nombre d’entre eux ont subis des violences physiques et psychologiques, des mauvais traitements, des abus sexuels.

Depuis quelques années, la Suisse a entamé un travail de mémoire sur ce lourd chapitre de l’histoire qui a duré jusqu’en 1981. Après les excuses adressées aux victimes par la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga en avril 2013 au nom des autorités, après une table ronde qui a débouché sur de nombreuses recommandations, arrive le temps du travail parlementaire.

Solution plus rapide

Le message aux Chambres porte tant sur l’initiative populaire sur la réparation que sur le contre-projet indirect du Conseil fédéral. Ce dernier se veut «une solution plus rapide pour les victimes que celle passant par une modification de la Constitution», selon le gouvernement. Nombre de personnes concernées sont âgées, atteintes dans leur santé et vivent dans la précarité, elles ont besoin de soutien rapidement.

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Les deux textes prévoient une reconnaissance de l’injustice faite aux victimes et une réparation financière, mais ils divergent sur le montant du fonds de solidarité: 500 millions de francs pour les initiants, représentant un large éventail politique; 300 millions dans le projet de loi fédérale sur les mesures de coercition à des fins d’assistance et les placements extrafamiliaux. La différence tient à l’estimation du nombre de personnes encore en vie susceptibles de toucher une prestation à hauteur de 20 à 25 000 francs: elles sont entre 20 à 25 000 selon les initiants; entre 12 et 15 000 d’après la Confédération. Pour le Conseil fédéral, les cantons devraient couvrir un tiers de la somme totale.

«Nous avons conscience que l’on ne peut pas réparer l’injustice avec de l’argent. Mais ce fonds est une marque de respect et de solidarité de la société envers les victimes», argumente Simonetta Sommaruga. Au parlement, les débats vont se concentrer sur le volet financier, la réalisation d’études historiques ou la préservation des archives n’étant guère contestées. Durant la procédure de consultation, le PLR comme l’UDC se sont opposés aux prestations financières. Simonetta Sommaruga admet qu’un difficile travail de persuasion reste à faire.

Un moyen de pression

Si le projet du Conseil fédéral et le fonds de 300 millions étaient acceptés, l’initiative pourrait être retirée. En attendant, elle fait office de moyen de pression. «Un montant moyen par victime inférieur à 25 000 francs ne serait pas acceptable aux yeux des organisations concernées, préviennent les initiants dans un communiqué. Au vu de la gravité des blessures psychiques et physiques, des abus sexuels, des stérilisations forcées, des placements juridico-administratifs ou des essais médicamenteux, il est indispensable de prévoir aussi bien une étude historique qu’une véritable réparation financière.»