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Un lobby veut donner une voix aux professionnels de la nature

Des experts redoutent un démantèlement de la politique de l'environnement.

«Nous ne constatons aucune tendance visant à mettre sur pied une politique environnementale plus efficace», lance la biologiste Sandra Gloor. Un courroux qui résume bien les intentions d'un nouveau lobby présenté mardi, Allium. Cette «alliance», active pour l'essentiel par le biais d'Internet, regroupe neuf des 30 associations professionnelles de spécialistes de l'environnement que compte le pays. Ses animateurs misent sur le ralliement d'une vingtaine de groupes d'ici à une année. Premiers chevaux de bataille: les coupes budgétaires, la taxe sur le CO2 et les parcs nationaux.

Jusqu'ici, les spécialistes de l'environnement «travaillaient seuls dans leur coin», glisse Yves Leuzinger, qui a fondé son bureau d'expertise dans le Jura. Ingénieurs, biologistes, zoologues ou généralistes, ce secteur professionnel compte au moins 10 000 actifs dans le pays, basés dans les administrations, les entreprises ou à titre d'indépendants. Dans une étude, Harald Mieg, ancien enseignant de l'EPFZ aujourd'hui à l'Université Humboldt de Berlin, a relevé que plus de 10% des experts œuvrent à présent dans des banques ou des assurances, surtout pour l'analyse des risques. Les mandats liés à l'environnement émanent moins des pouvoirs publics et toujours plus du secteur privé. Il y a donc «professionnalisation» de la branche, évolution soutenue en outre par le fait que la Suisse dispose de bonnes formations en la matière.

Autant d'arguments en faveur du «marché vert»: la protection de la nature n'est pas que dépenses, elle génère aussi une activité économique, plaident les professionnels. Ce qui les conduit à fustiger la politique «à courte vue» des autorités fédérales. Les coupes «disproportionnées» dans les budgets de l'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage les mettent en rogne, de même que l'enterrement de la révision de la loi sur la protection de la nature, qui ouvrait la voie à de nouveaux parcs nationaux et régionaux. Selon Yves Leuzinger, cette reculade prétérite des régions limitrophes, les privant de précieuses «incitations économiques».

Pas d'activisme

De même, Allium critique les doutes du Conseil fédéral s'agissant de la manière de réduire les émissions de CO2 (LT du 12.06.2004) et plébiscite la taxe sur les carburants. Plus largement, le lobby veut éviter un «démantèlement du savoir-faire helvétique» dans ce domaine.

Pour Yves Leuzinger, cette démarche ne rejoint pas l'activisme des organisations écologistes: Allium n'interviendra pas dans les débats de fond, mais veut donner une voix à ceux qui, en aval, sont chargés de mettre en œuvre les décisions politiques. On risque pourtant bien de l'entendre dès cet automne, lors de la reprise du débat sur la taxe sur le CO2.