Un obstacle bourgeois aux fusions de communes
jura
Une deuxième vague de fusions locales est au programme de 29 communes. L’issue du processus est incertaine
L’actualité politique jurassienne du début de 2012 est communale. Comme en 2008, lorsque le nombre de communes était passé de 83 à 64, au travers de sept projets de fusion de petites entités.
Le programme 2012 est plus ambitieux: vingt-neuf communes sont invitées à se marier, selon quatre programmes. Le 25 mars, les treize communes des Franches-Montagnes (elles sont déjà passées de 19 à 13 en 2009) sont appelées à n’en former plus qu’une. Avant cela, le 5 février, sept localités du Val Terbi (7100 habitants), à l’est de Delémont, et sept de la Haute-Sorne (7900 habitants), autour de Bassecourt, diront par les urnes si elles s’offrent un destin institutionnel commun ou si elles conservent leur très relative autonomie locale.
S’il avait été pratiquement inexistant en 2008, le débat est exacerbé depuis une année, en particulier aux Franches-Montagnes.
Le pronostic est très indécis. Dans les Franches-Montagnes, mais également en Haute-Sorne et dans le Val Terbi. Avec, dans ces deux régions, cette spécificité: la plupart des communes concernées sont mixtes, à la fois municipales et bourgeoises. Les bourgeoisies ne sont pas impliquées dans le processus. Le débat est pourtant fortement teinté d’appartenance à la communauté locale, symbolisée par les bourgeoisies.
Un élément particulier perturbe la campagne. Le 25 janvier, le gouvernement cantonal a rendu une décision qui fait grand bruit. Malgré l’adoption par le parlement d’une motion prévoyant la possibilité de conserver le droit de cité et d’origine des futures anciennes communes, le Conseil d’Etat a refusé de modifier un décret qui impose le transfert du droit de cité à la nouvelle commune fusionnée. Vous étiez originaires de Bassecourt, vous le serez de la Haute-Sorne si la fusion est avalisée. Une telle pratique a cours partout ailleurs en Suisse.
La décision est portée par le nouveau ministre socialiste Michel Thentz, pour la première fois dans l’œil du cyclone. Il disposait pourtant de deux avis juridiques l’autorisant à maintenir les anciennes origines. «Une telle possibilité aurait généré une situation d’une grande complexité, nécessitant des moyens administratifs disproportionnés, explique le ministre. Une même famille aurait pu avoir plusieurs origines: les parents dans l’ancienne commune, les enfants dans la nouvelle, sans compter les familles recomposées.»
«En connaissance de cause»
L’explication, pourtant rationnelle, peine à convaincre. Mercredi, le parlement le lui a fait comprendre. Michel Thentz a-t-il pris le risque de faire capoter les fusions? «Je ne pense pas que la question du droit de cité soit de nature à faire basculer les scrutins. Et qu’aurait-on dit si le gouvernement avait attendu que les votes soient passés pour faire connaître sa décision? Ainsi, les citoyens voteront en toute connaissance de cause.»
Autant dans le Val Terbi que dans la Haute-Sorne, le sort de la fusion est très incertain. Même s’ils ne sont pas organisés, les adversaires et les sceptiques font grand bruit. Pour éviter le quitte ou double, les comités de fusion ont prévu que, dans le Val Terbi, si quatre communes – ou trois mais avec l’une des grandes, Courroux ou Vicques – l’acceptent, la fusion, certes réduite, se fera. Dans la Haute-Sorne, il faut que cinq des sept communes ratifient le mariage pour qu’il se fasse, avec les communes consentantes. «Un oui constituerait un nouveau cap franchi par le Jura dans la prise en main de son destin, commente Michel Thentz. Un rejet, même s’il ne devait être que temporaire, constituerait un repli sur soi regrettable.»